Chapitre 7 (corrigé)

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Dageus hésita aux pieds de l'escalier. Il voulait rejoindre ses quartiers. Voir Heilin. Lui parler. Découvrir ce qui les éloignait l'un de l'autre alors même qu'ils n'interagissaient pas ensemble.

Au lieu de suivre son envie, il se dirigea vers l'infirmerie. Il entendit Augie parler. Kiera lui répondit dans un filet de voix. La porte claqua derrière lui. Le médecin le salua puis le laissa avec la princesse qui blêmit. S'il existait une chose que Dageus exécrait, c'était qu'on l'ignore. Personne n'ignorait l'Odin ! Surtout pas quand on tenait un tant soit peu à sa vie. La sorcière avait déjà un bol extraordinaire d'être encore en vie et, surtout, d'être couchée dans ce lit au cœur du Panthéon dont il était le maître.

Et elle, elle l'ignorait comme s'il était un croque-mitaine. Certes, il n'était pas un modèle de douceur, de patience et de compréhension mais tout de même, si la sorcière était en vie, c'était grâce à lui. Il aurait très bien pu s'en laver les mains, la jeter hors du Panthéon et continuer à vivre en paix.

Si l'on excepte le bordel laissé par ces crétins d'humains, pesta-t-il.

Cette gamine avait eu de la chance. Chance qui s'étiolait doucement à mesure qu'elle s'enfonçait dans son mutisme. Tous savaient ici qu'il n'était absolument pas réputé pour sa patience. Lorsqu'elle se décida enfin à le regarder, il sut d'emblée que les mensonges fuseraient plus vite que les battements de son cœur. Il ne s'en offusqua pas. C'était marrant de tous les voir essayer de le prendre pour un con. La tentation de rentrer dans son jeu le titilla. Sauf qu'il n'avait pas de temps à perdre. Il crevait d'envie de voir Heilin.

Par conséquent, il se concentra sur Kiera.

Elle déglutit et se redressa tant bien que mal dans son lit sans qu'il ne bouge pour l'aider. Essoufflée par l'effort, elle le foudroya du regard. Il haussa un sourcil moqueur, en réponse.

Avait-il une tronche d'infirmier ?

Une fois installée, elle se frotta le lobe gauche. Les boucles scintillèrent. Une piqûre de rappel de son statut. Pensait-elle l'effrayer ?

Son sourire s'agrandit.

Les sorcières vivaient à Helldown parce que c'était son bon vouloir. Un seul mot lui suffirait pour détruire leur prison dorée et les obliger à se mélanger avec le reste de la population. Les voir le craindre l'avait plutôt amusé ces dernières années.

Lorsqu'il fut certain que ce silence volontairement pesant titillait ses nerfs, il asséna, d'un ton cassant :

– Si tu veux continuer à respirer, sorcière, je te conseille de me dire la vérité !

Elle prit une longue inspiration, sans doute pour se donner du courage et ses doigts tremblants serrèrent le drap blanc. Elle avait peur. A sa décharge, qui n'aurait pas la trouille devant celui qui venait de réduire l'Academy en un lieu mortuaire ?

Roy aurait qualifié la sérénité de Dageus du calme avant la tempête. Un état récurrent depuis plusieurs semaines.

La sorcière n'avait vraiment pas envie de mourir, il le décelait dans son expression farouche, et pourtant, elle s'obstinait dans son mutisme.

– J'attends, sorcière !

– Que puis-je te dire que tu ne sais déjà ?

En une fraction de secondes, les yeux de Dagues virèrent à l'écarlate et l'atmosphère s'emplit d'électricité.

– Je veux savoir pourquoi un enfoiré à juger bon de vous jeter, toi et une de tes consœurs, aux pieds de ma porte alors que tout le monde sait que vous n'êtes pas les bienvenues dans mon domaine ! Je veux savoir qui t'a infligé ses blessures et dans quel but ? Et surtout, je veux savoir pourquoi ta garce de mère a refusé de m'ouvrir la porte de son putain de convent à la con ! Convent qui se trouve sur ma ville de surcroît !

Helldown #2 - Ville de glaceWhere stories live. Discover now