Chapitre 4 • Feu de Camp

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Je ne suis pas étrangère aux fêtes de Rudy.

Personne ne peut être étranger aux fêtes de Rudy.

Sa maison est la plus proche de l'eau, il suffit d'ouvrir le portillon au bout de la balustrade et d'emprunter le chemin aménagé le long de l'escarpement pour atteindre la plage. À 21h30, quelques étudiants sont déjà sur place ; un groupe décharge des glacières d'un quatre-quatre, tandis qu'un mec de mon cours de culture des médias arrange des petits morceaux de bois pour ravitailler le feu de camp. Les gens arrivent, s'installent et sortent des canettes de bière de leurs sacs de plage.

L'odeur de marshmallows grillés remplace petit à petit celle de la mer, Kheo se rue sur les piques à brochette et Maoni sur les guimauves. Kat, quant à elle, a disparu ; à la recherche de Rudy, certainement. Je m'aventure vers les glacières et plonge ma main au hasard dans l'espoir d'en sortir le nectar de goyaves. Il m'aura fallu trois essaies pour tomber sur le gros lot.

— Je t'attendais pour 21h, tu sais.

Prise de frayeur, j'envoie valser mon gobelet qui se déverse ni plus ni moins sur le sable assombri par la collision avec le jus de fruits. Rudy s'esclaffe à ma réaction.

— C'est mal me connaître, je réponds sans détacher le regard de la tâche.

— Dis moi, tu n'es pas sans savoir que le nectar de goyaves sert à accompagner la vodka, normalement.

Je ne prends pas la peine de lui répondre et donne un coup de pied dans le sable pour recouvrir la tâche avant de me servir un autre verre. Je doute que Rudy soit au courant, mais j'ai pourtant tout l'air du profil type de la fille qui ne boit pas ; si jamais ça m'arrivait, je me transformerai bien vite en un calamar toxico euphorique et si les calamars toxicos euphoriques n'existent pas, c'est bien pour une raison.

Et bien que j'aie usé de mon sarcasme à ce sujet hier, j'espérais qu'il me connaisse mieux que ça.

— Je peux te débarrasser de ta veste ? Je pense que tu auras assez chaud près du feu.

Mon regard remonte jusqu'à son visage, un demi-sourire élargit ses traits. Si j'en crois les dire de Kat, c'est bel et bien la première fête qu'il organise depuis le début de l'année scolaire, alors je suis étonnée que le nombre de personnes présentes ne suffise à remplir un stade de foot.

Mes yeux dérivent par-dessus son épaule quand je lui tends ma veste en jean.

— Il n'est pas encore là.

Je replonge dans son regard chocolat.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Bien sûr que je sais de quoi il parle. Mais comme je ne tiens pas à ce qu'il capte ma déception, je me retourne vers la glacière, faisant mine d'être préoccupée par l'indice glycémique de la goyave.

— Dis-moi Ciel, je croyais que tu voulais devenir journaliste, pas paparazzi.

Je manque de m'étouffer avec la pulpe.

— Je suis curieuse, c'est tout, je rétorque sur la défensive.

Rudy s'avance d'un pas et au moment où je pense qu'il compte enfin s'en aller ranger ma veste, il s'approche pour me glisser à l'oreille :

— La curiosité est un vilain défaut.

Son sourire est si large que j'ai le temps de compter toutes ses dents. Heureusement pour moi, l'un de ses coéquipiers de volley-ball l'interpelle, je saisis l'occasion pour me dépêtrer de cette conversation.

Quand je retourne près du feu, Kheo et Maoni sont en plein débat au sujet des marshmallows.

— Je te dis qu'ils sont faits pour être grillés ! lance Kheo, en enfournant sa brochette dans les flammes.

Blue as the SkyWhere stories live. Discover now