Chapitre 6 • Coups de Soleil

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— Tu as fait QUOI ?

La plage est noire de monde à cette heure-ci ; un groupe de jeunes est en plein match de volley, d'autres apprennent à leurs enfants à nager, tandis qu'une femme du troisième âge joue au frisbee avec son chien. Et encore, je ne parle pas du vendeur de beignets qui fait ses allers-retours toutes les cinq minutes. Malgré la douce odeur sucrée qui flotte dans l'air, c'est compliqué de s'intéresser à l'arrière-plan avec trois paires d'yeux rivés sur sois.

— "Enchantée" ? Tu as écrit enchantée ?

Kat attend une réponse, mais je connais trop bien son expression pour savoir que n'importe quelle réponse de ma part ne saurait la satisfaire. C'est pourquoi je lance un appel à l'aide à Kheo -qui empeste la crème solaire soit dit en passant- mais ce dernier préfère de loin se cacher derrière son smoothie à la papaye plutôt que de prendre ma défense.

Quel lâche.

— Qu'est-ce que tu voulais que je dise d'autre ?

— Je sais pas, que tu essaies de développer la conversation ?!

— De toute évidence, tu as fait le pire choix scénaristique, ajoute Maoni sans une once de compassion.

— Même Ko est déçu de toi.

Kheo hausse la broussaille qui lui sert de sourcils et gonfle les yeux, tout en acquiesçant. Bien qu'on sache tous que c'est la peur qui le motive. Et voilà que tout le monde se ligue contre moi dans un brouhaha sans nom. Kat et Maoni fanfaronnent au sujet de mes talents épistolaires et le bouclé se fait violence pour ajouter un "exactement" à tout ce qu'elles énoncent, en sirotant sa boisson.

J'essaie tant bien que mal de me justifier, après tout, mes zéros en français ne tombent pas du ciel, mais personne ne prend en compte mes interventions, alors je ne vois pas d'autre solution que de sacrifier mes cordes vocales pour mettre un terme à ce raffuts.

— C'EST PAS TOUT ! Je n'ai pas QUE écrit "enchantée" !

Le silence règne.

Je leur lance un coup d'oeil, un à un, mais aucun des trois ne daigne bouger ou cligner des yeux. Ils sont tous pendues aux mots qui s'apprêtent à bondir hors de mes lèvres. L'air marin s'infiltre dans mes poumons, j'ai l'impression qu'il reconstituent un mini océan à l'intérieur de mon corps et ce serait peut-être trop optimisme de ma part d'espérer m'y noyer.

— J'ai mis un smiley.

— Un QUOI ?

La fanfare reprend de plus bel.

Entre trompettes et tambours, je ne sais plus ou donner de la tête. Je me sens comme une petite majorette qui aurait oublié ses pas de danse le jour de la représentation.

— C'est pas vrai, dites-moi que je rêve. Maoni se masse les tempes, à croire que je suis la cause de sa migraine.

— Je crois qu'on n'est jamais tombé aussi bas, souffle Kat.

Petit à petit, je me tasse dans le sable à mes pieds, peut-être qu'avec un peu de chance je réussirai à creuser un tunnel sous le Pacifique pour regagner la terre ferme de l'autre côté du continent. Ou alors je pourrais élire domicile sous la mer, remplacer ma famille actuelle par une bande d'écrevisses qui m'apprendront à respirer sous l'eau. Je pourrais même me faire des amis dauphins et leur demander de rendre visiter à ma mère au refuge de temps en temps pour avoir de ses nouvelles.

Tout est une question d'ambition.

— Sérieusement, Ciel ? T'es née un jour férié ou quoi ?

— Relax Catwoman, il est à peine 15h30, c'est bientôt l'heure du goûter.

Blue as the SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant