Chapitre 7 • Opération Sorcier Secret

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L'ombre des palmiers dessine une frange sur le sable au fur et à mesure que le soleil amorce sa descente. Kheo en est à sa septième couche de crème solaire, "on n'est jamais trop prudent" est sans aucun doute sa devise préférée. Les genoux repliés contre ma poitrine, je scrute la brume qui marque le point où la mer devient ciel, lequel s'assombrit petit à petit derrière les nuages naissants. Quand tout à coup, All I Want For Christmas Is You de Mariah Carey, éreinte sans vergogne le rythme des vagues sur la côte.

— Bon sang Ko, quand est-ce que tu vas changer cette foutue sonnerie ?

Malgré le soleil qui m'empêche d'en voir plus, je suis certaine que Kat est en train de rouler des yeux.

— Jamais, c'est comme si c'était Noël tous les jours ! s'enquiert le concerné en farfouillant dans les poches de son short de bain.

— Qu'est-ce que tu aimes tant à propos de Noël ?

— Le pudding, évidemment.

Il décroche.

La nuit s'installe de plus en plus vite et le sable tend à se rafraichir. J'étire mes jambes en regardant le bouclé s'éloigner, son téléphone à l'oreille. Les filles profitent de ce léger laps de temps pour replier leurs serviettes de plage, tandis que j'enfile mes tongs, puis mon tote bag. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'ouvrir le mot de Merlin, ou peut-être que je ne me suis pas encore donné l'occasion de le faire.

D'un côté, mon instinct me dit d'être seule si je ne veux pas avoir affaire à Kat et son hystérie qui prendrait un malin plaisir à m'arracher les ongles un par un à moindre faux pas, mais d'un autre côté, ma curiosité me botte les fesses. J'ai le sentiment d'avoir un ange et un démon perchés sur mes épaules, seulement, j'ignore auquel accorder ma raison.

Je jette un coup d'oeil aux alentours ; Kat et Maoni s'éloignent du récif, leurs sacs de plage sur le dos et Kheo semble toujours au téléphone. À moins que ses gestes farfelus ne veuillent dire le contraire.

Cette situation m'a tout l'air d'un moment opportun.

Je glisse le bout de mes doigts à l'intérieur de mon short en jean, puis d'un geste prompt, libère le morceau de papier tout en prenant soin de me recroqueviller sur moi-même pour bénéficier d'un maximum de discrétion. Je le déplie une fois, puis une deuxième. À travers l'obscurité, mes pupilles rencontrent les premières courbes de son écriture fluette.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Qu'on le croit ou non, j'affirme avoir dépassé le record du plus grand saut en longueur que les jeux olympiques n'aient jamais connu. Kheo me regarde, ahuri, je lui offre mon plus beau sourire et en deux temps trois mouvements, le papier regagne sa place au fond de ma poche.

— Rien du tout.

— Bon vous venez ou quoi ? s'impatiente Kat de l'autre côté du ponton.

"Le" ; c'est tout ce que j'ai eu le temps de lire. Le étant un déterminant des plus populaires, je ne peux garantir la fiabilité de mes prédictions. Mais si l'on en croit les discussions les plus probables entre deux individus du commun des mortels, "Le temps est beau aujourd'hui" serait sans aucun doute l'affirmation la plus probable à employer, bien que je doute de son exactitude grammaticale. Enfin, cette supposition s'applique uniquement si l'on considère qu'après avoir répondu à une question à laquelle nous avons nous-mêmes eu une réponse, il n'est pas nécessaire de poser, à notre tour, une question. Auquel cas la formulation la plus adaptée serait : "Il fait beau aujourd'hui, n'est-ce pas ?"

Ma curiosité aura raison de moi.

J'emboîte le pas du trio et traverse la jetée. La plage bondée il y a de ça quelques heures, se transforme en un lieu presque sordide sous le croulement des vagues nocturnes.

Blue as the SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant