Chapitre 15 : A cause de moi

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PDV d'Ingrid

Harold était resté les yeux fixés devant lui. Son cerveau avait l'air d'avoir arrêté de fonctionner. Eret était parti avec Astrid et il s'en voulait de ne pas avoir pu la protéger. Astrid m'avait raconté comment elle avait été traitée sur le bateau d'Aldarik. Et elle m'avait aussi raconté la manière dont Harold la protégeait. Il s'en voulait.

Je m'en voulais également. Je n'avais pas pu l'empêcher de l'emmener. Les menottes étaient lourdes et mes réflexes ainsi que ceux des autres étaient émoussés par la fatigue. Je repensai à l'état dans lequel elle était quand elle était revenue de chez Aldarik. Complétement anéantie. Si son traumatisme refaisait surface maintenant, elle n'avait aucune chance de s'en sortir. Je n'avais qu'une seule envie, la ramener saine et sauve. Même si pour cela je devais prendre sa place. Dans ce cas, ce Eret allait avoir droit à une castration une bonne et due forme et dans le sens littéral du terme.

Je m'approchai d'Harold et m'assis près de sa tête. Il ne bougea pas. Je détestais le voir ainsi. Il était mon frère et je m'étais fait la promesse de toujours le protéger. C'était mon rôle de grande sœur après tout.

-Elle va revenir saine et sauve Harold, dis-je, essayant de le rassurer.

Il m'adressa un regard triste.

-Je sais que tu aurais voulu pouvoir la protéger correctement mais tu en as déjà tellement fait. Si tu n'avais pas été là, elle ne serait jamais sortie de sa dépression. Elle serait encore dans sa hutte, en train de pleurer toute les larmes de son corps. Harold, tu la protèges mieux que n'importe qui d'autre, mieux qu'elle ne peut se protéger elle-même. Et s'il y a bien quelqu'un capable de se sortir seule de situations dangereuses, c'est bien Astrid !

Harold se contenta de pousser un profond soupir. Sa respiration était sifflante. Alors qu'il soupirait, il se mit à tousser violemment et grimaça de douleur alors que la quinte de toux ébranlait tout son corps.

Je sentis mon cœur s'emplir de tristesse. Déjà, ses poumons perdaient du terrain. Et nous n'étions là que depuis une journée. J'avais peur que Varek se soit trompé dans ses estimations et qu'il ne nous reste encore moins de temps que nous l'espérions pour s'échapper.

Il continuait de tousser. La muselière ne lui permettait pas d'ouvrir la gueule assez largement pour cracher des flammes, seulement avaler un poisson. Je voyais également le métal et le cuir entailler ses écailles pourtant épaisses. Comme s'il n'endurait pas déjà assez de souffrances comme ça.

PDV d'Harold

Cela me faisait mal. Tout me faisait mal. Chaque mouvement, chaque contraction de chaque muscle, chaque inspiration, chaque expiration. Tout.

Mais pourtant, je ne pouvais m'empêcher de penser aux autres. A ceux que j'avais entraînés avec moi dans ce piège. Si je n'étais pas parti chercher Skaya ce jour-là, si j'avais réprimé un minimum mes instincts, j'aurais pu empêcher ces chasseurs de capturer nos dragons. Dragons dont je ne connaissais même pas l'état de santé actuel. S'ils mourraient par ma faute, je ne me le pardonnerai jamais.

Les mots d'Ingrid avaient quelque peu réchauffé mon cœur. Mais mon âme, elle, était complétement froide. Perdue. Désespérée.

Mes amis, ma famille, nos dragons, je les avais tous condamné. A cause de ce stupide instinct.

J'avais envie de me rouler en boule dans le coin le plus sombre de cette maudite cellule et de ne plus bouger, de ne plus rien faire jusqu'à la fin de mes jours, qui arrivait à grands pas.

Je repris difficilement mon souffle après ma douloureuse quinte de toux. Je sentis la main d'Ingrid sur les écailles de mon cou, là où Astrid avait plus tôt posé la sienne. Elle voulait me réconforter. Cela marchait, un peu. Mais ce n'était pas pareil. Ingrid était ma sœur, pas Astrid. Astrid était bien plus que ça. Je ne savaid pas si j'arriverai à un jour placer des mots sur ce que je ressentais pour elle mais ce qui était sûr, c'est que c'était fort. Assez fort pour m'entraîner vers ma propre mort. Je serrai les paupières, tentant de retenir mes larmes encore une fois.

J'avais failli à ma promesse. Sur le bateau d'Aldarik, je lui avais promis que je resterai toujours près d'elle et que je ne laisserai jamais personne lui faire de mal. Et mes promesses étaient inébranlables et ineffaçables par le temps. Ce Drago m'avait fait faillir à ma promesse. Je n'avais pas réussi à protéger Astrid comme je l'aurais dû. Tout était de ma faute.

Soudain, je sentis l'air s'agiter autour de moi. Je rouvris les yeux et vit que Rustik s'était accroupi devant moi.

-Aller cousin, tiens bon, dit-il d'une voix que je ne lui connaissais pas. Elle va revenirs j'en suis sûr.

Je n'avais jamais vu Rustik aussi inquiet pour quelqu'un d'autre que lui-même. Je savais qu'au fond, il était quelqu'un de très attentionné envers les autres mais je n'aurais jamais pensé qu'il le montrerait ainsi.

-Ouais, et on va tous sortir de là en moins de deux ! renchérit Kranedur en s'approchant lui-aussi.

-On va tout faire péter ! affirma Kognedur.

Les deux entrechoquèrent leurs crânes en riant.

-Pour une fois, je suis d'accord avec eux, confirma Varek. Ces chasseurs n'ont qu'à bien se tenir !

-Oh là là, j'ai tellement hâte de trancher la gorge de ce Drago, de voir le sang gicler et de lui ouvrir le ventre pour arracher ses entrailles et-

Dagur s'interrompit en captant le regard de sa sœur. Il eut un sourire gêné.

-Enfin, de lui éclater la tronche quoi, termina-t-il plus sobrement.

Cela m'arracha un faible sourire. Du Dagur Parenvrille tout craché.

J'étais reconnaissant envers eux. Ils essayaient tous de me remonter le moral. Oh Thor, que j'aimais mes amis ! Qu'est-ce que j'avais fait pour tous les mériter ? Je n'en avais absolument aucune idée.

-Oh, quelle belle réunion de famille, fit soudain une voix masculine provenant de la grille de la cellule.

Tous se retournèrent et un grondement incontrôlé monta soudain dans ma gorge alors que je reconnaissais Eret.

Le chasseur ouvrit la porte et jeta sans ménagement Astrid à l'intérieur. Ses mains étant attachées, elle perdit l'équilibre et tomba à terre. Elle lui envoya un regard incendiaire alors qu'il verrouillait à nouveau la porte.

-A bientôt Astrid, fit-il.

-Dégage ! hurla Ingrid, traduisant mot pour mot ma pensée du moment.

Il eut un sourire machiavélique mais disparut.

Immédiatement, tous se précipitèrent vers Astrid qui se relevait. Tous sauf moi. J'aurais bien voulu, je le souhaitais de toutes mes forces mais des vagues de douleur se propageaient encore dans mon corps à cause de ma quinte de toux.

-Astrid ! s'exclama Ingrid. Ça va ?

Elle hocha la tête.

-Il... ? commença Ingrid, incapable de finir sa phrase.

-S'est pris un énorme coup de poing dans la tronche ! termina pour elle Astrid. Il est pas très solide, un seul coup et il a abandonné. Dommage, j'étais bien dans l'humeur de tabasser quelqu'un à mort, il aurait fait la parfaite victime.

Malgré que j'aurais bien voulu qu'elle le tue moi-aussi, j'étais plus que soulagé qu'il n'ait pas réussi à la toucher. S'il était parvenu à ses fins, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Certainement quelque chose de stupide, pour changer.

-Et ici, ça va ? demanda-t-elle.

Ingrid baissa la tête et lui chuchota quelque chose dans l'oreille. Je savais ce que c'était, même si elle ne voulait pas que je l'entende. Elle lui disait que mon état s'était empiré et que Varek avait certainement surestimé la résistance des Foudroyants. Que j'allais bientôt mourir, encore plus tôt que prévu.

L'expression d'Astrid se décomposait au fur et à mesure qu'Ingrid parlait et je fermai les yeux. Je ne voulais pas la voir pleurer. Pleurer à cause de moi. Encore.

Je serai là pour toi (tome 2)Where stories live. Discover now