Never Alone - Terraink

Chapitre 20 : The monster

Une douce mélodie résonne, lointaine, presque inaudible. Une étrange mélancolie en émane, ce genre de tristesse qui vous prend le cœur et vous le broie. J'ignore d'où elle provient et je n'ai aucune envie d'ouvrir les yeux pour le savoir. Je me sens bien. Protégé dans mon paisible monde de ténèbres, là où personne ne crie, personne ne souffre, personne ne meurt... J'aimerais rester ici pour toujours, ne plus jamais faire face à la mort. Mais comment peut-on espérer avoir le droit au calme quand nos propres mains sont couvertes de sang ?

Mes paupières s'ouvrent doucement lorsqu'une main se pose sur mon épaule. La musique s'intensifie alors, devenant plus nette au fur et à mesure que je reviens à la réalité. Ma vue est floue et je peine à distinguer ce qui m'entoure. Il fait si sombre. De rares bougies accrochées sur des piliers de pierres éclairent faiblement les alentours de leur lueur jaunâtre, déformant les ombres des imposants bancs de bois qui m'entourent. Où suis-je ?

- Réveille toi. T'as pas le droit de dormir.

Mon regard se porte sur l'homme assis à côté de moi qui vient de prononcer ces mots. Son visage mal éclairé se confond avec les ténèbres de la pièce. Sa voix me semble étrangement familière mais je n'arrive pas à me souvenir qui il est.

- Dépêche-toi, tout le monde t'attend. me lance-t-il de sa voix grave, avant de s'élancer dans la même direction d'où provient la mélodie et de disparaitre de mon champ de vision, engloutis par l'obscurité.

Tout le monde ? De qui parle-t-il ? Je me lève mollement, les membres encore engourdis par le sommeil, et m'avance jusqu'à une petite allée entourée de part et d'autre par des rangées de bancs. Les ténèbres disparaissent lorsque j'arrive au bout de l'allée, chassées par une douce clarté bleutée passant au travers d'un immense vitrail coloré. Sa lueur éclaire le chœur d'une église où repose un cercueil de bois, recouvert de fleurs. La scène a quelque chose de magnifique, comme si elle était figée dans le temps, semblant presque irréelle. Tout y est si serein.

La musique s'arrête soudain, mais au lieu de laisser place au silence, des bruits étouffés se font alors entendre dans mon dos, me pétrifiant sur place.

Je me tourne lentement vers la nef de l'église, incertain de ce que je vais y trouver et fixe longuement devant moi pendant que mes yeux s'habituent à l'obscurité. Je commence à distinguer de multiples silhouettes assisses sur les bancs. Combien sont-elles ? Une trentaine, peut-être même une cinquantaine. De nouvelles formes apparaissent à chaque fois que mon regard balaye les environs. Elles sont si nombreuses, si oppressantes. Toutes me font face, pourtant aucune d'elles ne me porte la moindre attention. Des petits gémissements s'échappent parfois de leurs bouches, semblables à des sanglots.

Je reporte mon attention sur le cercueil. Pourquoi suis-je ici ? Ma tête me fait mal, je n'arrive pas à me souvenir. Tout est si confus dans mon crâne.  Plus j'essaye de trouver des réponses plus je prends peur face au néant de ma mémoire. Qui est la personne reposant là-dedans ?  Un parfait inconnu ? Peut-être un ami ou bien un proche? Une angoisse me prend le ventre. J'ai besoin de savoir.

Je m'avance lentement vers le cercueil posé sur des tréteaux. J'essaye d'entrevoir l'intérieur par le couvercle entrouvert, mais je ne fais face qu'aux ténèbres. Elles m'engloutissent. Je n'arrive pas à détourner les yeux, je vois des formes se mouvoir, quelque chose remue dans le cercueil, qui m'attire. Comme hypnotisé, je m'appuie sur l'un des tréteaux pour me pencher davantage au-dessus de la petite fente. Le tréteau se dérobe alors soudainement sous la pression de ma main, chutant sur le sol, entrainant dans sa course une pluie de fleurs blanches et le cercueil qui vient s'écraser à terre dans un fracas monstrueux. Son écho se répercute dans toute l'église avec violence, me pétrifiant de terreur. Le couvercle mal fixé se décroche sous le choc, mettant à nu l'intérieur matelassé de la boite mortuaire. Qu'est que j'ai fait ? Le souffle court, je m'approche en tremblant du cercueil pour voir son contenu.