♪ CHAPITRE 5

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          Après un lundi à glander sur le canapé, je me dis qu'aujourd'hui est un autre jour, qu'il est temps pour moi d'aller faire quelques courses pour remplir mon frigo. Le manteau sur les épaules, l'écharpe autour du cou, des collants quarante deniers aux jambes et des bottes fourrées aux pieds, je m'extrais de mon appartement armée de mon cabas multicolore. La perspective de retourner travailler demain est loin de m'enchanter.

Sur le chemin, je ne peux pas ne plus penser à ma courte discussion avec Loris, qui en fait n'en était pas une. Une discussion se définit par les échanges entre au moins deux interlocuteurs, chose que clairement, nous avons été incapables de faire. J'aimerais pouvoir dire que cette distance qui s'est instaurée entre nous en l'espace de seulement quelques heures ne m'atteint pas. Ce serait mentir.


           Entre les tampons et les serviettes, Loris m'obsède. Je tente de le virer de mes pensées en me concentrant sur les explications notées sur un paquet de protège-slips. Je n'assimile pas ce que je lis, donc je relis pour finalement me rendre compte que je n'ai pas besoin de protège-slips. Reposant la boîte, je me retourne et me retrouve nez à nez avec le parfait petit mari derrière son caddy. Il me dévisage, me sourit et me lance un clin d'œil pendant que madame analyse les rayonnages de serviettes hygiéniques. Je contourne le type affaissé sur son caddy et grimace en avançant dans l'allée centrale. Après les tampons, le papier toilette.

— Celui-ci est doux pour les fesses, me souffle d'une voix fluette une grand-mère permanentée. Triple épaisseur. Plus jamais vos doigts ne traverseront le papier. Terminé.

Discrètement, je recherche la caméra cachée, il n'y en a pas. Je lui souris, je n'ai pas besoin de papier toilette. Des mouchoirs si, pour pleurer toutes les larmes de mon corps.

— Tenez, c'est cadeaux.

La petite dame me tend un bon de réduction de soixante-dix centimes, alors tant qu'à faire, je m'empare du PQ et m'éclipse dans un autre rayon. J'y erre de longues minutes avant d'une fois encore me retrouver confrontée au client sexuellement en manque qui s'est éloigné de sa femme en plein choix cornélien : quels tampons choisir ?

L'homme, une grande asperge aux yeux libidineux, bombe le torse. Je laisse tomber le papier toilette dans mon panier à roulettes, le contourne et me barre un peu plus loin en priant pour ne pas le retrouver une énième fois sur mon chemin.

Période de fêtes oblige, je me perds dans la partie festive du magasin et me retrouve avec un calendrier de l'avent. Il fait clairement référence à Bridget Jones. « Pas de mec ? Plein de chocolats  !», ce lot de consolation m'ira très bien. À défaut de réchauffer mon cœur, le chocolat remplira mon estomac.

         Mon portable entre les mains, je vérifie n'avoir rien oublié sur la liste. Mouchoirs, bougies, décorations pour le sapin, légumes, fruits et biscuits, je peux passer en caisse. Je pose mes produits sur le tapis roulant et attends patiemment quand une personne me tapote l'épaule.

— Lila !

Oh non. Pas elle.

Quelqu'un pour me fendre le crâne en deux ? Ou au moins me couper les oreilles ?

Les yeux rivés sur le client de devant, j'aspire mes lèvres en me demandant ce que j'ai bien pu faire pour être punie de la sorte. Entre Cléo, la future ex-femme de Loris et moi, c'est une longue histoire de désamour. Elle ne m'apprécie pas. Ses grands sourires et ses airs avenants ont l'air de suggérer le contraire, mais je ne suis pas stupide.

— C'est bien toi !

Elle savait que c'était moi, sinon, jamais cette snobinarde ne m'aurait abordé en me tapotant l'épaule. Tout en gardant une distance nécessaire pour me signifier que non, elle ne m'a jamais fait la bise et ne me la fera jamais, elle s'avance perchée sur ses escarpins.

L'amour est un dessert qui se mange à deux (SCE HARPERCOLLINS)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant