CHAPITRE 10 ♪

2.2K 366 51
                                    

— Vous êtes drôlement compliqués tous les deux.

Merci à ma sœur pour sa perspicacité.

— Faites l'amour, pas la guerre.

Mon silence l'interroge.

— Faites l'amour, pas la guerre, répète-t-elle avec insistance.

D'un geste de la main, je balance sa phrase aux oubliettes. Laurène me harponne par le bras pour mieux me coincer du côté des cabines d'essayage de la boutique de lingerie dans laquelle nous nous trouvons.

— Ne me dis pas que vous avez déjà passé le pas ? Je retire le mot déjà. Cinq ans à vous tourner autour...

— Nous en sommes loin. Pour être totalement transparente avec toi, ça n'arrivera pas.

— Une petite engueulade de rien du tout ! Tous les couples connaissent ça !

— Nous ne formons pas un couple !

— De toute façon, je n'ai jamais rien compris à votre relation.

Tandis que je me déshabille dans la cabine, ma sœur passe sa tête à travers le rideau.

— La notion d'intimité, ça te parle ?

— J'ai vu ta poitrine un millier de fois ! Deux oeufs sur le plat, pas de quoi en faire tout un cirque...

Enfant, ma sœur se baladait à poil dans la maison. Adolescente, elle se baignait sur les plages les seins à l'air, pratique qui la suit toujours à l'âge adulte. Pas étonnant que les notions d'intimité et de pudeur lui échappent.

— Tu es en période d'ovulation ? Tes seins sont gonflés !

J'observe brièvement mon 85B dans le miroir que je recouvre d'un soutien-gorge pigeonnant.

— Il te fait une poitrine d'enfer !

Elle s'éclipse dans la cabine d'à côté.

—  Quelque chose ne va pas. Crache le morceau. Je déteste te voir dans cet état.

— De quel état parles-tu ?

— Cette mine défaite, ce regard triste.

— Je suis fatiguée.

Ma sœur tire le rideau et passe sa tête dans la cabine le bras sur la poitrine.

— Tu ne veux pas me faire croire que ta chute t'a atomisée ? Il y a autre chose. Et je mets ma main à couper que Loris est responsable de ton chagrin. Tu ne m'as pas tout dit.

— Je ne suis pas chagrinée. Ne parlons plus de lui.

— C'est vraiment ton épaule ? La douleur te rappelle de mauvais souvenirs que tu préférerais oublier ?

Les épaules basses, j'étudie mon reflet dans la glace.

— Essayons les sous-vêtements et ensuite allons boire un café. 

Un sourire s'étire sur le visage de ma sœur.

— Ne commence pas avec cet air qui veut tout dire.

— Quel air ? s'amuse-t-elle en s'éclipsant dans sa cabine.

        Les essayages terminés, nous passons en caisse. La facture est salée pour Laurène prête à fêter comme il se doit ses noces d'étain avec James, son premier amour. Il est celui qui depuis le lycée fait battre son cœur à outrance. Mon beau-frère est calme, patient, réfléchi. Tout le contraire de mon aînée, une véritable boule d'énergie. Son caractère bien trempé et sa verve caustique font parfois pâlir de honte nos parents. Elle est mon moteur, un exemple de réussite. Rien ne lui résiste... J'aimerais pouvoir en dire autant.

L'amour est un dessert qui se mange à deux (SCE HARPERCOLLINS)Where stories live. Discover now