♪ CHAPITRE 12 ♫

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        Le réveil est une épreuve. M'autoproclamer épave est un doux euphémisme. La bouche pâteuse au délicat parfum d'œuf pourri manque de me faire défaillir. Le test de l'haleine échoue lamentablement. J'ai besoin d'une brosse à dents, d'un dentifrice menthe forte et d'un bain de bouche aux agents puissants.

En croisant mon reflet dans le miroir de l'armoire, je remercie le ciel d'être célibataire. Un homme qui me verrait dans cet état prendrait ses jambes à son cou. Ma tignasse ébouriffée tient sur ma tête. Et mon visage... non, ne parlons pas de mon visage. 

Le bruit de la sonnette retentit. Je me bouche les oreilles tandis que Marylin se redresse brusquement dans le lit. Nos regards interloqués se croisent.

— La vache ! s'écrit-elle en me dévisageant les yeux entrouverts et rouges.

Je peux en dire autant de la jolie brunette qui n'a plus rien d'une jolie brunette.

Je le concède, nous avons eu la main lourde sur le maquillage et le gel. Il se pourrait même qu'elle ne réussisse plus jamais à retirer le bonnet enfoncé sur sa tête.

Le deuxième coup de sonnette nous sort d'un état comateux. Surprise, mon amie en tombe du lit, emportant au passage ma couette dans sa chute.

Pathétique.

J'évite les cadavres de bouteille d'alcool vides et de paquets de biscuits qui jonchent le sol. Des miettes de chips se calent entre mes orteils. Désagréable sensation.

Ma capacité de réflexion étant au plus bas, j'ouvre la porte sans même prendre le temps de me débarbouiller. Le concierge, un grand gars à l'accent du nord, recule d'un pas à mon apparition.

Gros moment de solitude. L'un de mes seins se fait la malle de mon débardeur et l'autre pointe sous le tissu. Débraillée, je tente de faire bonne figure en attrapant le gilet qui pend sur la tablette de l'entrée que j'enfile et noue pour m'éviter toute nouvelle fuite d'un de mes mamelons.

Le concierge me jauge. À ses yeux, je suis la femme qui ne conclut jamais et qui sans doute passera le reste de sa vie sans mec avec pour seule compagnie des animaux domestiques. Comment je le sais ? Il ne s'est pas privé de me le dire.

Un concierge qui porte bien son surnom de concierge, tiens comme c'est étrange...

— Oui ?

Son regard, mi-moqueur mi-exaspéré, m'irrite.

— Pour vous.

Désinvolte, il me tend une lettre que je m'empresse de saisir.

— Merci.

Je ne lui offre pas l'opportunité de me faire une remarque acerbe dont il a le secret et ferme la porte. Je balance la petite enveloppe sur la tablette en bois dans l'entrée et rejoins Marylin dans la cuisine.

— J'ai une sacrée gueule de bois, chuchote-t-elle la main sur le front.

— Ne m'en parle pas.

Je m'affaisse sur le dossier d'une chaise. Mon corps ne me pardonnera pas de sitôt cette soirée haute en couleur. Il y a deux ans encore, je pouvais faire la fête trois soirs d'affilée, aujourd'hui ce n'est plus le cas. Les affirmations de ma sœur concernant la détérioration de l'organisme me reviennent en pleine tête comme des boomerangs.

— La prochaine fois, nous miserons sur une soirée tisane et pantoufles.

Le gémissement de Marylin qui très lentement essaie de se préparer un café me confirme qu'elle souffre autant que moi. La dosette lui glisse entre les doigts.

L'amour est un dessert qui se mange à deux (SCE HARPERCOLLINS)Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin