Chapitre 1 : Thylane

507 63 59
                                    

La vie continue.

Thylane ne cessait de se répéter ce mantra alors qu'elle s'habillait dans sa chambre. Elle avait toujours du mal à croire ce qu'elle allait faire. Retourner au lycée. Là où tout avait basculé. Était-elle en train de commettre une énorme erreur ?

Pourtant, Thylane avait été déterminée. Elle se rappelait de cette illumination et de cette envie - non, ce besoin - brutal de tourner la page. Elle ne comptait pas reproduire son expérience passée ; elle allait simplement décrocher son baccalauréat, et puis elle se tirerait loin, ensuite. Peut-être en Angleterre, ou aux États-Unis. Loin de cette France étouffante qui lui rappelait tant de mauvaises choses. Thylane soupira. La terminale ne serait que l'ultime étape de sa vie avant qu'elle ne puisse enfin réellement s'envoler.

C'était triste, mais dans cette société, avoir des diplômes étaient un plus non négligeables. Et elle refusait de laisser son passé détruire son futur. Elle était la seule maîtresse de son destin.

Thylane décida de s'habiller simplement. Elle n'aurait jamais pensé qu'un jour, elle ressentirait de nouveau ce sentiment de stress mêlé d'excitation à l'idée de la rentrée des classes. Thylane rentrait en terminale. Elle retournait au lycée. Cette idée était encore assez floue dans sa tête. Elle avait du mal à la réaliser et à se projeter dans cet univers pourtant commun aux adolescents. Elle le savait, les cicatrices de son passé la rendaient différentes. À la fois plus forte et plus fragile. Plus compliquée, surtout. Au fond, aller au lycée dépassait bien l'enjeu d'aller en cours et d'avoir son baccalauréat. C'était le début de sa nouvelle vie et le retour à la normalité.

Un jean large et déchiré, un t-shirt blanc et des Dr Martens - des fausses, elle était bien évidemment contre le cuir d'origine animal -, et le tour était joué. Thylane décida ensuite de se maquiller. Elle était l'exemple même du fait que les femmes se maquillaient souvent pour elles-mêmes et non pas « pour plaire ». Thylane n'en avait plus rien à faire de plaire à qui que ce soit. Elle traça un trait de liner pour allonger ses yeux plissés transmis par ses origines asiatiques, avant de rajouter du mascara. En se regardant, elle se trouva presque jolie et c'était un sentiment qui n'avait pas de prix. Fini, le sentiment de dégoût.

Thylane descendit en bas prendre son petit déjeuner. Ses parents étaient en train de préparer la table. En l'apercevant, sa mère lui adressa un sourire forcé et demanda :

« Tu es prête ? Tu es sûre que tu veux y aller ?
- Pas le choix, j'en ai besoin, lâcha Thylane avec un certain détachement.
- Je suis fière de toi. »

Thylane se força à ne pas esquiver le baiser que sa mère lui adressa et retint une grimace. Elle n'arrivait plus à apprécier ses parents. Un certain malaise s'était installé entre eux, depuis tous ces mois.

Thylane prit un morceau de brioche et de pâte à tartiner vegan. Puis elle se rendit compte qu'elle était en retard - l'éternel problème de sa vie -, et elle dut partir à son arrêt de bus avec son bout de brioche à la main.

Elle n'était même plus stressée. En fait, elle s'en fichait vraiment. Elle avait entraîné son cerveau à se détachait de ce qu'il lui arrivait afin qu'il soit prêt à s'adapter à toute situation. Cela avait été sa seule façon de tenir le coup, dernièrement. Ainsi, elle n'en avait plus rien à faire d'être appréciée ou détestée ; elle n'avait plus peur de rien. En un sens, elle était fière de ce qu'elle était devenue.

Thylane arriva à son arrêt de bus et croisa deux blondes de son âge ; l'une avec un carré blond et bouclé, et l'autre aux cheveux longs et lisses. Elles avaient une certaine distance entre elles et cheveux-lisses toisait cheveux-bouclés avec un mépris mal dissimulé. Bonne ambiance. La blonde au carré lui sourit presque aimablement mais son rictus était terriblement forcé et Thylane lui décocha un regard hautain. Elle le sentait du plus profond de son être, cette blonde transpirait le vice. Et désormais, elle faisait confiance à son instinct et n'avait plus peur de montrer réellement aux gens ce qu'elle pensait d'eux. Pas question de faire l'hypocrite pour se faire apprécier dès le premier jour.

Un grand garçon à la peau foncée et avec une masse de cheveux bouclés s'approcha soudain d'elle avec un grand sourire, sans que Thylane ne le vit arriver. Elle ne put réprimer un mouvement de recul face à sa carrure et sa gorge se noua.

« Salut ! Ne le prends pas mal, mais tu as vraiment en tête de nouvelle perdue. T'as besoin d'aide ? Tu t'appelles comment ? »

Incapable d'adopter une réaction normale, Thylane tenta de reprendre son souffle. Pourquoi il m'approche ? Qu'est-ce qu'il me veut, merde ? Son cœur battait la chamade et les questions fusaient déjà dans son esprit. Elle voulut répondre, mais les mots restaient bloqués dans sa gorge.

« Euh... Je m'appelle Thylane... articula t-elle d'une voix brouillée. »

Il fronça les sourcils mais ne perdit pas contenance et ajouta :

« Moi c'est Matth. Si tu as besoin d'aide, ou quoi... N'hésite pas, hein. Ses yeux s'agrandirent lorsqu'il aperçut un rouquin arriver. Tu es en quelle filière ?
- Littéraire, rétorqua Thylane, qui commençait à reprendre son assurance face à la gentillesse de Matth.
-Oh, viens, je vais te présenter Sam. Il est en TL, vous allez être dans la même classe. Si tu le trouves un peu bizarre, t'inquiète, c'est normal. »

Thylane n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche que Matth la prit déjà par le bras. Elle se crispa à ce contact ; elle détestait qu'on la touche de la sorte. Elle se dégagea rapidement mais suivit tout de même le brun. Il ne s'agissait pas non plus de se faire détester dès le premier jour. Lorsqu'elle arriva face au rouquin, elle soupira, très gênée.

« Sam, c'est Thylane, la nouvelle meuf de ta classe. Tu peux la guider ? »

Sam détourna la tête et fusilla Matth du regard, mais ce dernier resta sans réaction face à cette hostilité clairement affichée. Thylane avait l'impression qu'il y avait des histoires entre tous les gens de ce lycée de merde. Cela allait vite l'agacer. Elle n'avait définitivement pas besoin de s'encombrer des problèmes des jeunes adolescents compliqués.

« J'ai pas que ça à faire, grogna Sam, visiblement peu réveillé.
- Tant mieux, j'ai pas besoin d'être guidée, le coupa Thylane, déjà énervée par son air suffisant. »

Ce rouquin l'agaçait déjà.

« Bah dégage alors, répliqua t-il après un silence indigné, visiblement piqué au vif. »

Il devait s'attendre à une nouvelle gentille et conciliante. Pas de bol.

« T'inquiète, j'attends que ça, pesta Thylane avant de se détourner en levant les yeux au ciel. »

Tant pis pour la partie de son plan « ne pas se faire détester ». Sous le regard stupéfait des deux garçons, elle fit volte-face et retourna sous l'arrêt de bus, déjà très remontée. Elle sentit les regards méprisants des gens qui l'entouraient face à son attitude détestable. Tant pis, pas question qu'elle rentre dans le cercle vicieux des faux semblants. Elle y avait déjà trop mis les pieds.

Alors qu'elle attendait le bus, Thylane soupira. L'année va être longue...

-----------------

J'espère que vous allez bien et que vous passez des bonnes vacances!
Voici donc le premier chapitre avec Thylane, un des nouveaux « personnages principaux ». Comme dans La terre était ronde, les premiers chapitres seront assez courts histoire de pouvoir poser un bon cadre pour l'histoire!
(Et pour ceux qui ont lu Se détruire, ne relevez pas les futures « incohérences », imaginez vraiment que ce sont deux histoires différences car j'ai changé énormément de choses, Thylane la première mdrr)
À très vite!❤️

Le ciel était bleuWhere stories live. Discover now