Le ciel était bleu

Chapitre 19 : Olenka

Olenka adorait travailler au CDI. Elle était certaine que l'année prochaine, elle serait de ces étudiantes chiantes qui feraient la fermeture de la BU. Les bibliothèques étaient des endroits tellement apaisants, à vrai dire, les seuls où elle parvenait à se concentrer et trouver ses cours intéressants. Comme si l'atmosphère paisible déteignait sur elle et qu'elle se sentait plus à même de trouver tout plus intéressant.

Mais aujourd'hui, son moment au CDI ne se passa pas comme prévu. Olenka ne sut pourquoi, sans doute un instinct stupide, mais lorsque quelqu'un ouvrit la porte du CDI, elle se retourna pour voir de qui il s'agissait. C'était Matth.

Elle rougit. Non pas parce qu'elle était gênée, excitée ou quoi. C'était quelque chose que les gens qui ne rougissaient jamais ne comprenaient pas ; parfois, elle rougissait, mais sans signification. Au fond, c'était peut-être son corps qui lui envoyait un message, mais peu importe, cela pouvait signifier tout et n'importe quoi. Là, par exemple, ce furent toutes ces réflexions qui firent que Olenka se mit à rougir encore plus.

Naïvement, elle avait l'impression d'être de retour en première. Quand elle vivait une idylle avec Matth. Les premiers regards, les premières paroles, les premières rencontres, les premières séductions. Leur éternel jeu de séduction. Tout était si parfait. Et soudain, les flashbacks envahirent Olenka.

Les matinées à se réveiller dans les bras de l'autre.
Les midis à cuisiner des plats ratés ensemble.
Les après-midi à sortir, se balader, manger des gaufres.
Les soirées Netflix.
Les nuits à s'endormir, sa tête sur son torse.

Ces moments resteraient à jamais gravés en elle. Et elle eut un déclic. Elle aurait beau s'acharner à haïr Matth de toutes ses forces, elle l'aimerait toujours. Toujours. Et soudain, elle en eut marre d'haïr et eut envie d'aimer.

Alors quand il lui sourit timidement, elle répondit dans un petit rictus. Matth fronça les sourcils et maladroitement, changea sa trajectoire pour aller vers Olenka. La blonde passait son temps à le rembarrer, il ne devait pas comprendre pourquoi elle lui souriait. Olenka elle-même ne comprenait pas. Peut-être qu'au fond, elle en avait marre de se battre contre ses vrais sentiments.

Le cœur de la blonde se mit à battre la chamade. C'était terrible, à chaque fois que Matth s'approchait d'elle, elle sentait qu'elle perdait déjà ses moyens.

Il s'assit à côté d'elle. Olenka s'arrêta de respirer.

"Tu révises quoi de pas intéressant ? lui demanda Matth dans un sourire taquin."

Personne - du moins, pas Olenka - ne pouvait résister au sourire malicieux de Matth. Je te déteste d'avoir cette emprise sur moi malgré tout, tous ces mois plus tard.

Connard, ajouta t-elle tout de même pour elle.

Et pourtant, elle répondit sur le même ton amusé :

"Tu oses clasher Freud ? Ton pauvre cerveau de ES n'est bon qu'à enregistrer des chiffres commerciaux."

Matth éclata de rire comme s'il faisait face à une humoriste de renommée - en réalité, il était sans doute surpris par l'avenance d'Olenka. D'habitude, à chaque fois qu'elle le voyait, elle le fusillait du regard.

Olenka ne savait pas si c'était l'atmosphère du CDI, mais là, elle était beaucoup trop détendue pour ressentir de la haine. Elle en avait marre de détester tout le monde. Elle voulait juste revenir au bon vieux temps, où tout était si simple.

"Alors, Matth, tu manges tes restes ? rigola un voix nasillarde à côté."

Olenka avait très bien reconnu Nathan. Depuis qu'elle l'avait remis à sa place devant tout le lycée après ses remarques déplacées, sa haine pour Olenka semblait grandissante. Nathan se sentait obligé de lui envoyer des remarques dès que l'occasion se présentait, sans doute touché dans son égo débile. Mais au moins, depuis les remontrances d'Olenka, il avait cessé les sous-entendus dégradants qui auraient pu vite tourner en harcèlement sexuel, la blonde le savait. Elle était fière d'avoir mis un terme à tout ça avant que la situation ne dérape.