☾Partie 2/3

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Le bruit de moteur de la voiture remplissait ma tête et le silence entre le professeur McKin et moi. Nous étions submergés par nos pensées, et étions complètement absents concernant ce qui nous entourait. Un palmier pourrait surgir devant nous que je ne m'en rendrai pas compte. Je sentais mes yeux me piquer, rougir, et les larmes former une protection opaque devant eux. Je les retenais tant bien que mal depuis le début, ces foutues larmes. J'étais à présent traumatisée par la guerre, la violence, tout ce qui pourrait me faire du mal. Et pourtant, Yann me répétait en boucle que ce ne serait pas la même chose pour moi, « je t'assure » me disait-il. Mais je ne le croyais pas. Des promesses, j'en ai eu beaucoup depuis le début, mais peu ont été mises à exécution. Pourquoi celle-ci serait-elle différente ?

Les propos d'Alex m'avaient percutés, et son regard humide et tourmenté hantait mes pensées. Après combien de temps avait-elle réussi à retrouver la joie de vivre ? Elle ne me l'avait pas dit. Les nuages gris défilaient devant nous et nous enveloppaient dans une couche humide, opaque, sombre. A ces instants, nous étions seuls au monde au milieu de ce décor gris. L'ambiance devenait morose en l'espace de quelques secondes, mais bizarrement, elle me rassurait. Ne plus rien voir d'autre que les gouttes de vapeur se former silencieusement sur les vitres faisait ralentir ma respiration, me vidait la tête. Mes pieds avaient enfin cessé de tressauter sur le sol en mousse, mais mon visage était encore rouge et collant de transpiration. Je mordais mes lèvres sans relâche, plus préoccupée par les paroles d'Alex que par le sang qui devait maintenant perler sur celles-ci.

Affalée sur mon siège, je posai alors mes yeux éteints sur le professeur McKin. Je devais sûrement sembler paisible devant lui, mais une rage incontrôlable consumait chacun de mes membres. Le diable sur mon épaule devait avoir étranglé l'ange sur l'autre, pour je ne ressente plus aucune compassion à ce point. Après tout, la compassion ne me servira sûrement à rien lors des combats. Dans combien de temps allais-je devoir me rendre sur le champ de bataille, déjà ? Trois semaines, tout au plus. C'était bien trop tôt, même s'il n'y avait pas de moment propice pour cela. Je me décidai soudain à briser le silence:

"- Je n'irai pas.

- Où ça, Jo ?

- A la guerre, là où vous n'êtes en fait jamais allés."

Cela sonnait comme une évidence dans ma tête. Je ne risquerai pas ma peau pour ça, peu importe la récompense. Les doigts du professeur  se resserrèrent sur le volant et ses jointures blanchirent avant qu'il ne réponde:

"- Tu te trompes, j'ai également du faire face à ces combats.

- Derrière vos écrans, oui ! Je comprends mieux maintenant pourquoi vous n'avez pas voulu me raconter tout ça vous-même, Yann. Quand j'y pense, vous êtes un peu égoïste, si je puis me permettre ! C'est limite si vous n'aviez pas avec vous un paquet de pop-corn. J'avais confiance en vous et...

"- J'ai également participé à ces combats, Jo."

Contrairement à ce que je pensais, le professeur ne se fâcha pas, il n'haussa pas le ton, la deuxième fois, tout comme la précédente. Cela semblait lui avoir demandé une grande maîtrise de soi, car ses doigts étaient maintenant bleus sur le volant, et son visage rouge.

"- Mais que vous est-il arrivé, alors ?! »

Mon cerveau était aussi embrumé que la voiture au milieu des nuages, et je cherchai vainement les réponses qui dansaient autour de moi. Bizarrement, rien n'étais jamais clair ! Pourquoi touts mes réponses m'étaient-elles données sous forme d'énigmes impossibles à résoudre ?

- Des atrocités, Jo... Des horreurs qui hantent encore mon esprit. La douleur, le sang, les larmes, la peur, les armes. »

A mesure qu'il parlait, il m'était de plus en plus difficile de l'entendre correctement. A chaque nouveau mot prononcé, sa tête se baissait et ses paroles se faisaient toujours moins compréhensibles.

Sur une autre planèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant