3 (a). Frédérique

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Les Zaôtres arrivèrent en milieu d'après-midi. J'étais calée sur le ponton à moitié délabré qu'il faudrait sûrement réparer, profitant de ma pause bien méritée après le nettoyage d'une grosse partie de la cabane (désolée les araignées, la fête est terminée, je contribue à mettre en valeur ce site effectivement particulièrement bien préservé). Mike, mon ours solitaire, était (encore) affairé dans la remise.

Ils débarquèrent du 4x4 et je découvris ceux avec qui il faudrait s'entendre pendant un mois et demi.

Non en fait, ce jour là, je ne pensais pas à la durée. Je pensais qu'enfin j'allais pouvoir rencontrer d'autres personnes (et pas des ours), me faire de nouveaux amis, et tout simplement parler, moi grande pipelette privée de bavardage depuis déjà quelques jours !

J'ai toujours accordé une grande importance aux premières rencontres. Ma mémoire du moins. Je m'attache d'ailleurs tellement aux détails que j'imagine dans les premières minutes cerner de fond en comble les gens qui me font face. Alors que l'expérience m'a prouvé que la plupart de mes meilleurs amis me sont apparus fades voire même antipathiques le premier jour, tel que le dit d'ailleurs le proverbe, inscrit en rébus sur les assiettes à fromage de ma mère et qu'on déclame tous en chœur, dans un rituel hilarant, à chaque fois qu'elle les sort « Garde-toi, tant que tu vivras, de juger les gens sur la mine » !

Mais je digresse déjà.

Le premier à sauter du pick-up et à venir vers moi, s'appelait Matthew : anglophone, grand, blond limite jaune-roux, peau rouge à tendance homard, yeux clairs, jeans un brin troué, T-shirt jaune, baskets couleur, disons, sale. Plutôt cool comme style, d'autant qu'il dégageait déjà une impression de simplicité. Le style direct à engager la conversation de suite, à te mettre à l'aise, à blaguer. Mais mon anglais était vraiment limité et il parlait très vite, alors j'ai pas tout capté. J'ai baraguiné un truc plus en yaourt qu'en anglais, du genre :  « Hello, I'm Fred, from France, welcome at your new home ».

Et j'avais l'air de quoi moi ? Qu'a-t-il imprimé de moi dans sa mémoire à part froggy ? Qu'ont-ils retenu, mes nouveaux amis ? Une fille pas très grande (pour ne pas dire petite), avec un bronzage de randonneur (vive les marques des bretelles de ce foutu sac à dos), les cheveux longs bruns ramassés vraiment en vrac dans une queue de cheval et coiffés d'une paire de lunettes de soleil, les yeux bleus (mais tout le monde les voit gris), un T-shirt déjà sale à cause de l'activité récurage de la gazinière (j'espère qu'il ont pensé à prendre du K2R) et surtout une odeur d'animal sauvage (j'avais pourtant prévu de me laver ! Saleté de douche qui ne marchait pas, j'aurais dû retourner dans le lac avec mon savon. Trop tard maintenant !) En guise de réponse, il m'a tendu la main et l'a serrée mollement assorti d'un « Nice to meet you Fwed ».

Je le trouvais vraiment classe.

La suite m'a montré que le nice to meet you et la poignée de main font partie de la panoplie anglo-saxonne banale de la première rencontre. Rien de classe là-dedans donc.

Derrière Matthew, il y avait Pierre, Olivia, et Raphaëlle. Pierre était plus petit (normal, Matthew était quand même très grand), les yeux clairs, les cheveux châtains en bataille, le nez fin légèrement tordu, la barbe mal rasée, le pantalon en toile assez débraillé, les claquettes traînantes, et le sourire naturel. L'air sympa et dans les vapes et, détail d'importance, il était français (pas que je sois chauvine, mais la conversation allait être plus facile qu'avec Matthew). Son accent chantant avait un goût de confit de canard et de cassoulet : sûrement un bon petit gars du sud-ouest.

Olivia, légèrement plus grande que moi (ce qui n'est pas très difficile finalement), portait une jupe longue noire et un tee-shirt vert olive à manches longues, un sac de toile écru en bandoulière et un léger foulard sur ses longs cheveux noirs. Mon dieu qu'elle devait avoir chaud ainsi accoutrée. Ses yeux en amande d'un vert bouteille m'observaient d'un air profond et je remarquais quelques tâches de rousseur qui surmontaient son nez en trompette. Elle parlait français avec un accent espagnol ou italien, mais elle parlait français. Enfin, un peu.

Et pendant ce temps-là, à Tapachula (mon été dans les bois)Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin