17 (a). Frédérique

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Un rayon de soleil s'est frayé un passage à travers le feuillage du chêne. Insistant, il a frappé au carreau, l'a traversé, pour finir sur ma peau. Chatouillant au début, c'est maintenant une douce caresse qui me réchauffe la peau. La chaleur passe dans le système nerveux, je peux la sentir, elle descend doucement le long de la colonne vertébrale, irrigue mes pieds, mes doigts et remonte à mes oreilles. Comme par un mécanisme ancestral, la barre de l'humeur a mis le cap sur « bonne ». Alors la bouche s'étire, les pommettes remontent, les yeux se plissent : des moussaillons invisibles viennent de hisser un sourire.

Un rayon de soleil. C'est ce qui me vient à l'esprit aujourd'hui. C'est finalement ce qui traverse souvent mes pensées en ce moment.

Un rayon de soleil pour réchauffer l'atmosphère, l'humeur, le moral. Pour illuminer la beauté des visages. Voulzy a bien raison, les visages sont beaux sous le soleil.

Quand je me rappelle le Canada, je nous revois brunis par le soleil. Je revois aussi les coups de soleil, les marques de T-shirts, de shorts, de maillots de bain, de lunettes, de tongs, voire de chaussettes. Et pire pour Jo, la marque de sa main dans le dos, qui a vaguement déposé de la crème en dessous mais ne l'a surtout pas étalée à côté. Je revois aussi évidemment la peau pelée qui va avec (Olivia était-elle réellement italienne ? Sa peau écrevisse trahissait plutôt des origines angliches) et je sens l'odeur de la crème solaire et de la biafine. Hum, le froid de la biafine sur la peau brulante. La sensation d'un retour à la vie après les flammes de l'enfer. Un grand merci au monsieur (ou à la dame d'ailleurs) qui a inventé cette crème du tonnerre, qui a fait sensation jusqu'auprès d'une Américaine très produits de beauté (suivez mon regard), et ce malgré le tube, avouons le, hyper moche. Mesdames messieurs les inventeurs, il y a encore du boulot à faire en marketing, mais je vous pardonne !

Je revois aussi nos (mes) cheveux jaunis, tellement desséchés que si une vache passait dans le coin elle se serait mise à me manger la tête. Là-dessus, il y avait presque unanimité, même si évidemment le coiffage effet foin allait mieux à Benj (ça faisait ressortir ses yeux bleu pacifique) qu'à Jo, qui semblait affublé d'une perruque style Philippe Gildas. Presque unanimité, car Raphaëlle ne faisait pas partie de la horde des chevelus fourragers. Comme je l'ai déjà écrit, elle avait une superbe chevelure blonde et soyeuse. Il y avait surement de l'inné là-dedans, mais évidemment aussi de l'acquis (la bonne vieille théorie biologique de l'inné et de l'acquis à propos de Raphaëlle, c'est ma prof de bio du lycée qui serait contente, tiens !). En plus de toutes les crèmes de jour, de nuit, les élixirs premières ridules, les savons exfoliateurs gommants, les lotions réparatrices après-soleil ou encore les fluides protecteurs anti-pollution, elle se passait chaque jour une crème hypoallergénique après-shampooing après-soleil (anti-redéposition) qui redonnait une brillance naturelle aux cheveux malmenés par les rayons UV A et surtout B, les vilains, et ça même quand on campait en pleine forêt. Elle avait même un vanity rempli avec plusieurs tubes d'avance et de plusieurs couleurs les tubes (surement pour différencier les tubes de semaine de ceux du week-end). Oh, mais elle connaissait le soleil, elle avait déjà été victime de ses agressions, si si, alors elle faisait attention elle au moins.

Et on ferait mieux d'en prendre de la graine, plutôt que de se marrer comme des idiots. Non vraiment, que de violences en ces terres sauvages !

C'est drôle cette expérience canadienne : je me souviens des potes, les Zaôtres comme je les appelais. Des anecdotes, des habitudes, des moments. Pourtant la majeure partie de la journée, je tenais un râteau, une pelle, une scie ou un sécateur. Il faisait chaud, je transpirais comme jamais, j'étais fatiguée. Il y avait du bruit, au choix tronçonneuse ou débroussailleuse. C'est Ti'Pierre et Matt qui avaient le privilège de manier ces engins. Parait qu'ils avaient une habilitation, même si Ti'Pierre n'avait pas franchement le gabarit de l'emploi. Comme si mon grand-père avait cette habilitation, lui qui tronçonnait en tongs ! Bon en même temps, ils étaient habillés comme des marioles, avec des gros pantalons, des chaussures hyper lourdes, des lunettes transparentes et même une espèce de jupe noire ridicule.

Et pendant ce temps-là, à Tapachula (mon été dans les bois)Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt