Lettre 12

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Cher inconnu,

Les mots désertent mon encrier comme quitte un guerrier blessé le champ de bataille. Non, ils ne baissent pas les bras, ne renoncent pas à la guerre et ne se rendent surtout pas. Ils ont juste compris que pour vaincre, ils devraient au préalable survivre.

Ainsi ils se taisent parfois pour mieux se faire entendre, prennent du recul pour rebondir et s'effacent pour que cicatrisent les plaies et se révéler le moment venu. Vois-tu ? Toutes les flammes consument mes mots, oui, les usent aussi mais c'est, en effet, les mots calcinés qui renaîssent de leurs cendres comme un phénix ... crois-moi !

Cher toi que j'oublie souvent dans les blancs qui souillent mes feuilles, il est vrai que je ne t'écris presque plus, nonobstant, je te porte dans mon silence comme un fœtus dans l'utérus de sa mère. Je ne t'écris plus mais je traine souvent tout ce que j'aimerais t'écrire comme un regret qui ralentit mes pas pour mieux saisir le monde autour de moi. J'avance péniblement mais sans me dépouiller de toi ni me plaindre de ton poids.

Ce soir, comme tous les soirs où ma plume s'était tranchée les artères pour abreuver les pores de ma peau de sa sève, je m'adonne au même rituel. Ce soir je noircis les entrelignes pour redresser les contours de ton absence.

Mais avant, sais-tu que ma dernière lettre non expédiée comme la première et la seconde et toutes les autres, date d'un siècle, quelques mois et toute une éternité et mon indomptable désir qui me lie à ton anonymat date de cet instant même et de tous les instants passés et ceux à venir.

Ce que j'aimerais te dire, quand dans nos veines le sang est effervescent et dans nos âme on nourrit une Révolution, on pourrait connaître des moments de répit mais ce n'est que pour redoubler de férocité.

Les volcans aussi ...

Amoureusement l'inconnue.

~ Lettres à un inconnu

Lettres à un inconnuWhere stories live. Discover now