Cher inconnu,
C'est quand la noirceur bat son plein et les bêtes sauvages se tordent de douleur
dans le ventre de l'ogresse de mes nuits.
C'est quand les hululements des hibous teraillent le sommeil des plus superstitieux et le KANOUNE souffle sa dernière flamme et rend son âme.
C'est quand, à la lumière d'une chandelle, le poète courbe l'échine pour consoler la blancheur des feuilles.
C'est quand, sur les rivages, la mer rassasiée, vomit le rêve d'une jeunesse en détresse et la mère dans son lit recoud son sommeil émietté.
C'est quand le nouveau né lache le sein de sa mère pour sourire aux anges et au moment où les jeunes filles se noient dans le sang de leurs noces.
C'est aussi, quand la beauté se farde de laideur sous le voile du silence et la joie de vivre se confronte aux bords tranchants des versets de la mort.
C'est à l'heure où le sans abris froisse son petit corps décharné dans un sac de couchage usé et s'abandonne à la chaleur des rêves.
Et, quand le petit délinquant rase les murs de son quartier pour fumer discrètement son joint, loin des regards de dieu.
C'est quand l'ivrogne brise son dernier verre d'amertume sur le comptoir des lamentations. Et, quand la prostituée claque derrière elle, la portière du bordel pour aller verser les larmes de son coeur, sur l'oreiller de son enfance.
C'est à ce moment là, oui, à ce moment là que me brûle l'envie de t'écrire pour te dire tout cela et puis rien du tout !
Amoureusement, l'inconnue.
~ Lettre à un inconnu.
A D
