CHAPITRE 8 - Soleil Nocturne

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En média : Arrival Of The Birds - London Metropolitan Orchestra

— Qu'est-ce que tu fais ici à cette heure-ci ? me demanda Elyon d'une voix calme, s'approchant de moi.

— Je peux te retourner la question, lui répondis-je un peu trop froidement, me rappelant soudain le comportement distant qu'il avait eu à mon égard ces derniers jours.

— Tu peux, c'est vrai, concéda-t-il.

Un léger sourire étira ses lèvres, et je me rassis au pied de l'arbre en soupirant.

— Je n'arrivai pas à dormir, finis-je par lâcher.

— À cause de Xerys.

Son ton n'avait pas laissé place au questionnement ; de toute évidence, il savait. Je me contentai de hocher vaguement la tête, fuyant son regard. Le craquement des feuilles à côté de moi me fit comprendre qu'il s'était rapproché. Puis, je l'entendis s'assoir à mes côtés. Je résistai à l'envie de lui jeter un coup d'œil, et m'obstinai à regarder au loin. Seulement, je sentais mes joues s'échauffer au fur et à mesure que les secondes passaient, et mon poignet n'avait jamais été aussi brûlant.

— Ce n'était pas intentionnel, finit-il par murmurer.

Déstabilisée par son ton si prévenant, je tournai ma tête vers lui. Mes prunelles percutèrent les siennes, se confrontant au beau bleu outremer de ses iris, qui me rappelait les profondeurs des océans. Il détourna les yeux, et je fus violemment ramenée dans le monde réel.

— Oui, mais c'est tout de même ma faute si Xerys se retrouve étendue les côtes ouvertes sur le lit du laboratoire, répliquai-je, coupable.

Il leva les yeux au ciel.

— Arrête de tout dramatiser ! s'exaspéra-t-il. Xerys est tombée sur les débris à cause de l'onde de choc ; ce n'est pas toi qui as contrôlé où chutait chaque morceau de verre.

Je gardais le silence.

— Et puis Xerys n'est pas à sa première blessure, crois-moi, et elle est loin d'être une petite fille fragile, même si elle s'amuse à nous faire penser le contraire.

— C'est moi qui l'ai créée, cette déflagration, lui rappelai-je. Si elle n'avait pas eu lieu...

— Si elle n'avait pas du lieu, quoi ? Ce qui est fait est fait, assena-t-il, ferme. Il ne sert à rien de ressasser le passé.

Son ton un peu brusque m'effraya quelque peu. Je croisai les bras et plongeai ma tête à l'intérieur, dissimulée par les cheveux. Pourquoi devais-je me sentir aussi immature à côté de lui ? Xerys avait raison, il n'avait qu'un an de plus que nous et paraissait pourtant déjà totalement adulte.

— Maintenant, reprit-il, la voix plus douce, n'oublie pas que Xerys est pourvue du pouvoir de guérison et que par conséquent, sa cicatrisation en sera d'autant plus courte. Et puis, si cela peut te rassurer, sache que même si tu l'avais voulu, tu n'aurais pas pu la blesser mortellement. Votre relation de Xemehys t'en aurait empêché.

— Donc... elle va bien ? bégayai-je.

— Oui. Mais si tu avais cherché à en être informé de toi-même en te servant de votre lien, tu n'aurais même pas eu besoin de me poser la question. Tire profit des avantages dont tu disposes ; impressionne l'ennemi de tes forces : c'est la première leçon que j'ai apprise.

Il avait encore raison. Pourquoi n'avais-je pas pensé à utiliser notre liaison pour m'en rendre compte de moi-même ?

Un soulagement sans nom fit s'envoler l'angoisse constante qui n'avait plus quitté ma poitrine. Je redressai la tête et la laissai reposer contre le tronc rugueux de l'arbre. Pour un instant, j'oubliai le garçon mystérieux qui était assis à côté de moi, mon poignet ardent, mes courbatures... j'étais juste apaisée : mon amie allait s'en remettre. Nous ne dîmes rien pendant quelques minutes, le Meridiem savourant à son tour le calme de la grotte. Les coudes nonchalamment appuyés sur ses genoux, il jaugeait d'un œil attentif le paysage idyllique qui s'étendait devant nous, caressant du bout des doigts l'herbe à ses pieds. Profitant du fait qu'il ne me regardait pas, je l'observai du coin de l'œil : sa mâchoire carrée, abritant une discrète cicatrice, était recouverte d'une barbe de trois jours, qui n'enlevait rien à son charme. Ses cheveux, noirs et ébouriffés, lui tombaient sur le front en formant de légères boucles et frôlant ses sourcils, fins et froncés. Ses yeux étaient en amande et soulignés de l'ombre de ses cils. Son nez était concave, ses pommettes saillantes et parsemées par endroits de délicates taches de rousseur. Quant à ses lèvres, à peine entrouvertes, elles étaient suaves et bien dessinées, et laissaient entrevoir ses dents, qui, contrastées par sa peau bronzée, paraissaient colorées d'un blanc éclatant.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Where stories live. Discover now