CHAPITRE 12 - Armés de patience

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Une légère pression se fit ressentir sur mon épaule. J'entrouvris les paupières, les yeux encore gonflés de fatigue.

— Seira, on doit y aller.

La voix de Xerys résonna comme une caresse à mon oreille, et j'entrepris l'effort de me relever. Titubant quelque peu, les muscles engourdis, je m'étirai et observai l'endroit dans lequel nous nous étions arrêtés. Le bois, de jour, était bien moins impressionnant. Il était même féerique, avec ses arbres au feuillage d'un vert vif et la lumière dorée du soleil levant traversant leurs feuilles. L'herbe, au sol, brillait à cause des minuscules gouttes d'eau laissées par l'averse qui s'était produite la veille. Le chant des oiseaux résonnait discrètement à nos oreilles et il flottait dans l'air cette douce odeur humide et matinale, mélangée aux parfums des fleurs fraîchement ouvertes.

Xerys, à côté de moi, était méconnaissable. Ses yeux étaient vides et si rouges que je devinai qu'elle n'avait pas bien dormi, et que surtout, elle avait beaucoup pleuré. Son sourire habituel semblait n'avoir jamais existé, et ses joues toujours colorées de rose étaient blafardes. Les ailes qu'elle avait nouvellement acquises restaient pendantes derrière elle... Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, et ce constat me fendit le cœur. Sans rien dire, je la pris dans mes bras et la serrai aussi fort que je le pus. Parfois, les mots ne suffisaient plus. Comme un pantin désarticulé, elle se laissa tomber contre ma poitrine et enfouit sa tignasse blonde dans le creux de mon cou. Bientôt, je sentis ma peau devenir humide, et sachant très bien ce que cela signifiait, je m'appliquai à lui transmettre tout le soutien dont j'étais capable.

— Il va payer, susurra-t-elle d'un ton étonnamment dur. Il va payer pour tout ce qu'il a fait, même si je dois le tuer de mes propres mains.

La haine débordait de sa voix. Quand elle se retira à mon étreinte cinq minutes plus tard, son regard était froid et une lueur que je ne lui connaissais pas brillait dans ses prunelles. Elle s'essuya les yeux, et Saphir vint se frotter en ronronnant entre nos jambes. Comment un animal pouvant se montrer si effrayant pouvait-il être aussi adorable ? Son Amili tenait plus du chat que du loup noir géant capable de nous arracher la gorge.

Un détail important me frappa soudain : où était passé Elyon ? Je me souvenais de tout, brusquement. Ses bras rassurants serrant mes épaules, son cœur battant contre mes oreilles et le mien dans ma poitrine... Un pas venait d'être franchi dans notre relation — si l'on pouvait appeler ça comme ça —, et je ne savais pas ce qu'il allait en être aujourd'hui. Comment allait-il réagir ? Aurais-je droit à sa facette douce et compréhensive, ou à son attitude froide et distante ? Ma Xemehys du remarquer que mon regard cherchait la présence du Meridiem, car elle m'informa :

— Elyon est parti en éclaireur, pour essayer de déterminer où nous nous trouvons. Il ne devrait pas tarder à revenir.

Mon cœur fit un bond et je hochai la tête, m'appuyant à cacher le trouble qui rosissait mes joues.

— Tu n'as pas fait ton tour de garde, hein ?

Je faillis me mordre la langue sous la surprise. Mince ! Le tour de garde, je l'avais totalement oublié ! Pourquoi Elyon ne m'avait-il pas réveillée ?

La grimace embarrassée que j'affichais fut mon unique réponse et elle poursuivit :

— Ne t'inquiète pas. Si Saphir ne m'avait pas tirée du sommeil à grands coups de museau, je n'y aurais pas pensé non plus !

Puis, avec un sourire espiègle un peu chancelant face à la tristesse qui ne la quittait plus :

— Quand j'ai pris ma place de sentinelle, Elyon somnolait contre toi. Dès qu'il m'a vue, il lui a fallu moins d'une minute pour s'assoupir et laisser pendre sa tête contre la tienne. Visiblement, il a préféré te permettre de dormir.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Where stories live. Discover now