CHAPITRE 27 - Solaris

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Point de vue de Seira

Je fouettai l'air de ma main libre, espérant atténuer l'opacité de ce nuage noir que nous traversions. Il me brûlait les yeux, m'affectait la gorge, s'insinuait dans mes poumons. Je toussai violemment, imitant involontairement mes amis.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? cria Xerys, presque cachée dans la brume noire.

— Ça ressemble à de la fumée d'incendie ! répondit une voix, qui appartenait à Leven.

— On descend, tout le monde ! s'exprima alors Lenora, entre deux vagues de toux. Allons voir !

On obtempéra, et Halcyon perdit en altitude, pour sortir du nuage. Une fois à découvert, la vue dégagée, on retint un hoquet d'horreur. Ce qu'on vit nous glaça le sang, mes ongles s'enfonçant dans la cuirasse heureusement épaisse de mon Amili.

Un village mis à feu et à sang. Des pleurs, des cris, des râles s'élevant de toutes parts. Des hommes, des femmes, des enfants courant dans tous les sens, espérant échapper aux flammes. Les maisons s'écroulaient une à une, soulevant de gigantesques amas de poussières, et faisant à chaque fois des dizaines de morts.

— Allons les aider ! m'écriai-je, entamant déjà ma descente en piqué.

Xerys et Leven m'emboîtèrent le pas, suivis de près par Lenora et Leander.

Une fois au plus près du sol, je sautais d'Halcyon alors encore en vol ; Saphir me talonnait de près, les oreilles dressées vers l'arrière. Les habitants étaient si paniqués que peu prirent conscience de la présence de la Lumière dans le ciel gris. Tous s'activaient, portant secours aux prisonniers des débris, aux victimes, ou se passant de mains en mains quelques seaux d'eau pour tenter, en vain, d'atténuer les flammes. Tous les pouvoirs pouvant aider à améliorer la situation étaient mobilisés, que ce soit pour empêcher les bâtisses restantes de s'écrouler à leur tour ou pour évacuer les enfants. Xerys, qui possédait un pouvoir curatif, se précipita auprès des blessés. Leven, Lenora et Leander, dont les origines leur permettaient de contrôler le feu, tentèrent d'endiguer l'incendie ; mais nous étions tous affamés et épuisés, et ce feu-là n'était pas ordinaire. Il était agressif, indépendant, maléfique... Il avait du être généré par un être aux grands pouvoirs magiques, que leur état de faiblesse ne permettait pas de combattre.
Je vis mon amie rougir, furieuse de ne pas pouvoir agir à son échelle. Mais Lenora rebondit vite, et les trois Meridiems se chargèrent de faire évacuer le plus de monde possible et de conforter les familles des défunts, en proie à un chagrin immense. Pour les structures, il était trop tard, on ne pouvait plus les sauver. Les flammes se propageaient à une vitesse hallucinante, grignotant avec avarice tout ce qui était combustible.

Saphir rejoignit à grands bonds sa maîtresse, se faufilant entre les passants. La Nocturnale, si elle voulait se montrer courageuse, ne pouvait cacher la terreur dans ses prunelles bleu nuit. Comme pour bien des animaux, le feu restait une peur viscérale.

Je tentai d'intercepter un vieil homme par le bras, souhaitant en apprendre plus sur la situation. Malheureusement, celui-ci, enfermé dans sa frayeur et son désir ardent de s'en sortir, ne prit pas la peine de s'arrêter. Finalement, ce fut une femme d'âge mûr, la panique noyant ses prunelles ambre, qui me répondit dans un discours haché par sa respiration irrégulière :

— Trois hommes noirs... cruels... faisaient peur... nous ont menacés... viennent de partir... le feu s'est déclenché... sûrement eux... mes enfants...

Elle s'enfuit sans se retourner, ne me donnant plus d'explications.

Encore un coup d'Archaos et de ses sbires, pensai-je avec haine.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant