6-Fièvre dissimulatrice

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Depuis bientôt deux jours j'étais prise de fièvre. Ce n'était pas la petite fièvre où notre mère nous faisait boire de l'eau et passait son temps à nous câliner pour nous rassurer. C'était plutôt la fièvre intense, qui nous faisait trembler de froid dès qu'elle retombait un peu, avant de nous faire transpirer de souffrance lorsqu'elle revenait avec force. Je ne dormais plus vraiment. Ou alors je ne m'éveillais jamais complètement. C'était flou. Mais les évènements qui avaient précédés cet état de végétation étaient encore imprimés en moi.


Après que le jeune m'ait dévoré la joue, nous avions dû rentrer au village. Le souper allait être servi et les ordres avaient été clairs. Cependant il y eut un petit flottement quand l'Alpha demanda qui ne mangerait pas ce soir. Les loups s'étaient tous regardés, indécis. Concrètement le dernier coup, c'était moi qui l'avait porté, mais j'étais salement amochée. Cependant à la base, de ce que j'avais compris alors qu'ils débattaient ensembles, Elpidéphore ne devait pas me donner la chasse. Or son comportement avait clairement montré que ce n'était pas un entrainement pour lui. 

Je m'étais mise à l'écart du groupe, je palpais lentement ma joue de la main en faisant attention à mes griffes qui n'avaient toujours pas disparues et passais timidement ma langue sur la muqueuse. Ce n'était pas troué mais presque. Maya enroula ses bras autour du torse nu de l'Alpha et se colla à son dos en lui chuchotant à l'oreille. Il me jeta un coup d'œil, retroussa sa lèvre supérieure et s'ébroua pour la dégager. Si elle en sembla vexée, elle n'en montra rien.

—Le combat amène à une égalité. Par ordre de hiérarchie donc, la victoire revient à Elpi, commença Leszeck. Ainsi, Maxime, tu retournes dans tes appartements. Tu ne dineras pas ce soir et Maya va passer plus tard pour regarder tes blessures. 

Je baissais la tête alors que tout le monde prenait place. Le groupe de changé à l'écart me fixa avec un air compatissant mais bientôt, tous retournèrent à leurs discussions. Je n'étais plus que la seule à être encore debout. Cela me permis de voir l'Alpha prendre Elpidéphore en aparté et lui murmurer des directives. Le jeune sembla pâlir, voulut refuser mais une bonne prise de Leszeck sur sa nuque et un grognement sévère sembla le remettre à sa place. 

Si quelqu'un me regardait à cet instant, il verrait mes yeux briller de satisfaction. Je n'avais peut-être pas gagné officiellement mais l'officieux, c'était une toute autre histoire. 

Mais brusquement, des choses semblèrent frapper à l'orée de mon crâne. Ce n'était pas exactement ça, c'était comme si... mon propre esprit était perturbé. Ma vision se troubla comme si on mettait et enlevait très rapidement un filtre devant les yeux. Je titubais jusqu'à ma hutte et m'effondrais au sol. Brusquement je ne vis plus que des nuances de gris, de la fumée semblait déformer les formes au travers de mes pupilles. Puis il y eut des lignes aussi brillantes que les étoiles dans une nuit noire. D'abord une qui partait de ma poitrine et qui se divisait un peu plus loin, en une dizaine plus fines qui se dirigeaient vers l'extérieur.

Je suivis la plus brillante. Je ne sus pas comment m'expliquer l'effet que cela faisait. J'avais conscience de mon corps, je savais que je le commandais, que mon esprit était dedans. Pourtant je m'élevais à l'extérieur de celui-ci, j'avais la sensation d'être extrêmement fragile mais en même temps intouchable. Je vis que les fils d'or allaient vers chacun des loups, je vis que le plus lumineux rejoignait Leszeck. Totalement obnubilée par les vibrations qu'il dégageait, je m'approchais jusqu'à le frôler. Je le vis se figer, un morceau de viande tout juste passée au feu à la main. Il observa autour de lui et je vis le mouvement presque imperceptible de ses narines lorsqu'il huma l'air froid. Il tourna ensuite le regard vers moi, comme s'il me voyait, son ombre sortit par les pores de sa peau. 

AsservissementWhere stories live. Discover now