9-Bouffer ou être bouffé

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J'étais agenouillée et prostrée dans une cellule.

Il ne faisait pas froid, ni chaud.

Ce n'était pas humide mais pas sec non plus.

Il y avait des ombres projetées partout. Mais il n'y avait pas de lumière.

J'entendais des sifflements sans que le moindre vent ne murmure.

Mes sens étaient à la fois tous sollicités bien qu'en même temps, il n'y avait rien à ressentir. Les voix dans ma tête hurlaient. Elles remplaçaient le vide laissé par l'emprunte de Leszeck. Alpha. Blanc... Elles se déchaînaient. A croire que quelque chose ici était mauvais, bien plus sombre que tout ce que j'avais bien pu vivre jusque là. Tout ce qui était vraiment réel pour le moment était mon ventre qui grondait, ma main sur le sol.

La faim qui me tenaillait.

Je ne savais pas ce qui m'attendais et c'était peut-être ça le pire. L'attente. L'imagination. Mon esprit divaguait. Je m'imaginais toutes sortes de tortures. L'écartèlement, le tisonnier, l'arrachage de toutes les extrémités de mon corps à la pince... J'étais certaine qu'il en existait bien d'autres, des tortures inconnues. Le corps avait cette capacité à être un chef d'oeuvre de sensibilité. L'esprit... l'esprit ça dépendait. A mon avis les seuls esprits qui résistaient à la torture du corps ou la torture psychologique étaient les esprits déjà brisés, ceux qui n'ont rien à perdre, ceux qu'on estime le moins dans une société "saine".

Mais ce qui était sûr, c'était que j'avais faim. Une faim dévorante.

Le temps passait, ou pas. Ça restait une valeur très floue. Des jours ? Des semaines ? Des heures ? Mais est-ce que c'était vraiment important ?

La louve hurlait pour sa pitance. Je ne ressentais que cela. Ça me bouffait de l'intérieur. C'était tellement douloureux que j'essayais de me recroqueviller sur moi-même le plus possible pour éteindre la douleur. En vain.

A un moment j'entendis des voix. Elles étaient différentes de celles que j'entendais ici. Ici dans la cellule ou ici dans ma tête. De toute façon, cela revenait au même. Je perdais la tête ou alors je l'avais déjà perdu. Maman, papa ? Arrête ! Eux... eux aussi ils l'avaient perdus. C'était, il y a très longtemps. Quand ? Arrachée. Des dents et des crocs. Oui. Du sang. Oui.

 Les voix. Elles étaient presque palpable. Réelles ? Oui, elles étaient réelles. Je me redressais sur le sol et tentais de me tenir debout mais le plafond n'était pas assez haut, j'étais obligée de me pencher. Mes jambes tremblaient, j'étais affaiblie, j'étais affamée. Ça tournait autour de moi. Des loups, d'après l'odeur, commencèrent à approcher. Quand ils s'arrêtèrent devant ma cage, je pus les distinguer. Deux loups transportaient un corps, un homme je dirais. Leur visage exprimaient toute la joie vicieuse qu'ils éprouvaient. Un troisième passa derrière eux. Il était dans l'ombre alors je ne le voyais pas bien. Je distinguais uniquement qu'il était de grande taille, légèrement plus imposant que les deux autres. Quand son odeur vint me chatouiller le nez, je me sentis perdre le contrôle de la louve en moi. J'avais envie de me jeter sur les barreaux et de lui écraser le cœur à mains nues. La partie logique en moi ne comprenait pas, ou ne voulait pas comprendre. 

J'avais tellement faim...

Puis il s'approcha juste assez pour que je puisse le distinguer tout en restant à assez bonne distante pour que mon bras l'effleure uniquement au lieu de lui arracher la moitié du visage comme je le voulais.

—Si je pensais que tu allais survivre...

Un rire éclata. Il se tenait le ventre comme si c'était la meilleure blague du monde. 

AsservissementWhere stories live. Discover now