| CHAPITRE 9 |

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• Je ne vois que ce que je veux voir. Rien de plus •


TOBÍAS

Assis sur le bord du lit, l'air hagard et le regard plongé dans mon reflet, je me demande qui a eu la terrible idée de mettre un putain de miroir en face de moi. J'ai une mine horrible et j'ai du mal à croire que c'est moi que je fixe depuis environ vingt minutes. Depuis quand je ressemble à ça ? La réponse résonne dans mon esprit mais je l'ignore jusqu'à ce que je porte mon attention sur la bouteille à moitié vide que je tiens dans ma main droite. C'est quoi, déjà ? Du whisky. Un fort que j'ai dérobé dans les réserves de Mark. Il ne m'en voudra pas puisqu'il ne sait pas que je lui vole de l'alcool depuis plusieurs jours. Enfin, en réalité depuis que j'ai vidé les deux bouteilles laissées à mon intention et à celle de mon frère dans l'un des placards. Je ne pensais pas boire autant mais il faut croire que j'ai arrêté de réfléchir depuis un petit moment.

Avec lassitude, je pose la bouteille sur la moquette blanche affreuse qui recouvre le sol puis je me masse le visage. Je ne suis ni tout à fait sobre, ni tout à fait bourré, ce qui est une première mais mon état laisse à désirer. Je me lève avec peine pour me traîner jusqu'à la salle de bain où je m'asperge le visage et je me sers un verre d'eau pour décuver. J'ai mal à la tête, au ventre, à la poitrine.

Qu'est-ce que t'es con, bordel...

Le gobelet au bord des lèvres, je remarque que j'ai encore quelques mèches blondes par-ci par-là. À force de me doucher pour essayer de me réveiller, la teinture temporaire a fini par partir. Heureusement parce que j'en avais le ras-le-cul de ressembler à Donovan. Je passe mon doigt sur mes cernes puis sur ma lèvre où mon piercing n'est plus. Je grimace. J'ai détesté avoir à les enlever. Je repars d'ailleurs dans la chambre pour fouiller mon sac puis je les remets tous en place. Je m'accroche à la vasque et détaille mes yeux rougis et explosés par la fatigue et l'alcool.

Je hais Jordi...

Je serre les dents et quitte la pièce pour aller de nouveau m'affaler sur le matelas. Après quelques minutes, je me rends compte qu'Angelica n'est plus là. Je ne sais absolument pas où elle a pu aller et pendant une seconde, je m'en fous jusqu'à ce que je me rappelle de ce qu'elle a failli faire la dernière fois qu'elle avait disparu de l'auberge. Je me redresse. Au fond, je sais qu'elle a raison : que nous cacher ne résoudra rien du tout mais je manque d'idées et plutôt mourir que de l'avouer. J'ai même réussi à jeter la faute sur Tomás. Je suis vraiment pathétique... je suis vraiment passé par tous les états concernant mon frère : je l'ai pleuré, je l'ai insulté, je me suis excusé, je l'ai jalousé... En fait, je me rends compte que je ne sais rien faire sans lui et je me rassure en me disant que ça aurait été la même chose si la situation avait été inversée. Je soupire.

— Cálmate, Tobías, je grommelle. (Calme-toi, Tobías)

Pleurer et s'apitoyer sur son sort n'a jamais rien apporté. Mais que faire ? Je sais très bien que si je m'attaque à Jordi, je ne gagnerai pas. Je suis seul contre tous ses sbires et son intellect qui dépasse l'entendement. La seule chose sensée que je peux faire, c'est l'éviter. Mais comment l'éviter quand il me cherche avec acharnement ? Angie m'a dit les avoir vu en ville mais qui a-t-elle vu ? L'ont-ils reconnue ? Je n'ai pas eu le temps de lui poser ces questions puisque le ton est monté et que je n'ai pas pu m'empêcher de m'enfuir de cette pièce avant de devenir trop violent.

Je m'énerve parfois...

Soudain, la porte s'ouvre. Je relève la tête. Angie est de retour, plus habillée que pour rester sagement dans l'auberge.

Les Frères Cadalso [ SOUS CONTRAT D'ÉDITION CHEZ GLAMENCIA EDITIONS ]Kde žijí příběhy. Začni objevovat