VI

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- A quoi vous passez vos soirées?

Je relève mes yeux par-dessus ma tasse de café Latte alors que le blond regarde par la fenêtre les passants marcher d'un pas pressé. 

- Rien en particulier. Je travaille. 

- C'est pas très amusant... 

Il dirige son regard vers moi puis hausse un sourcil narquois. 

- Vous faites quoi, vous? je lance, agressive et sur la défensive.

Jimin se contente d'hausser les épaules et tremper ses lèvres dans son chocolat chaud. Après quelques minutes de silence, il se décide finalement à me répondre, avec un ton des plus arrogants. Tellement insolent que j'ai envie de l'étrangler. L'élan de tendresse que j'avais ressenti pour lui plus tôt s'est volatilisé aussi vite qu'il était apparu. 

- Des fêtes... Aller au bar ou au club avec des potes. Je profite de ma jeunesse, quoi. 

- Chacun sa façon de profiter.

Je lui lance un regard noir, ce qui ne lui tire qu'un rire. 

- Ridicule, me fait-il en faisait mine de chasser un insecte indésirable dans l'air qui l'entoure. C'est des conneries, ça. Entre lire un livre et se taper ses meilleures nuits avec ses amis, il y a pas photo. Selon vous, lequel rapporte le plus de souvenirs?

- Les deux. Le livre peut vous avoir marqué d'une manière inattendue. Il peut vous avoir transporté dans un autre monde... Passer du bon temps. Une fête et un livre, c'est pas comparable. 

Je suis outrée qu'il ait osé faire une comparaison pareille, surtout quand on sait que les livres sont pour moi comme une sorte de seconde maison. 

- J'ai touché un point sensible?

Si seulement je pouvais arracher ce sourire railleur de ses lèvres rosées... 

Je me contente de l'ignorer et continue à boire le liquide brun clair contenu dans la jolie tasse blanche. Il m'offre une petite chaleur réconfortante qui me fait pousser un petit soupir de satisfaction. 

- Vous devriez vous faire des amis, non? 

- Non. 

Je fais du mal à tous ceux que j'approche.

- Je serai votre ami, si vous voulez.

- J'ai dit: non.

Mais il ne se soucie pas de mon avis et continue sur sa lancée.

- Je vous amènerai à mes soirées...

Je ne cherche même plus à discuter ses propos.

- Et pourquoi pas, vous trouver un petit fiancé riche, en bonne santé, avec un emploi stable et pas dangereux.

Cet air lasse que j'avais aperçu tout à l'heure sur son visage poupin refait surface. 

- Tout va bien?

- Oui. 

Mais je vois bien que quelque chose cloche, alors sans réfléchir j'effleure sa main solitaire posée sur la table de bois. Je ne sais même pas ce que je cherche exactement à lui transmettre... un peu de soutien? Lui dire que quelqu'un est là pour lui? Parce que malgré le fait qu'il sourit tout le temps, qu'il rit dès que l'occasion s'en présente et que ses soirées sont consacrées à des fêtes sans importance, je vois bien que quelque chose le dérange. Mais je ne suis personne, alors je ne vais pas essayer de forcer l'accès à ses pensées les plus profondes.

J'avale les dernières gouttes de mon café et me lève pour aller payer les boissons, mais le blond m'en empêche en encerclant mon poignet de ses petits doigts fins. 

- Qu'est-ce que vous faites?

- Payer, quelle question.

- Sûrement pas, rasseyez-vous. J'ai dit que c'était moi qui payer, vous vous en rappelez?

Effectivement, ça me disait quelque chose... 

- Au fait, reprend-il tranquilement, vous allez mieux depuis la dernière fois?

Je suppose qu'il parle de l'épisode des toilettes.. Cette histoire va me suivre jusqu'au bout, je pense.

- Oui, merci. 

- Mais... ça vous arrive souvent? me demande t-il après une hésitation.

- La dernière fois, c'est parce que j'avais fait une erreur dans les doses de mon traitement. Mais, pour répondre à votre question, oui. A cause de la fatigue et... de pleins d'autres facteurs, je suppose.

- Vous ne dormez pas bien?

- Je ne dors pas, pour faire simple. Je lâche un petit rire nerveux. Mais quand j'y arrive, les cauchemars s'invitent. 

- Je suis désolé, j'aimerai vous aider.

Le pire, c'est que je croirai presqu'à sa pitié mêlée de tristesse. Mais je ne peux pas. Parce que c'est faux. Tout ce que les gens ressentent pour moi est faux. Car tout est basé sur du mensonge. 

- Vous ne pouvez pas.

J'ai répondu plus sèchement que je ne le voulais, mais il n'a pas l'air d'en tenir compte. 

Une trentaine de minutes plus tard, me revoilà devant la porte de mon bureau. Jimin se tient à mes côtés et attend que j'entre. Mais quelque chose me retient, et je ne sais pas quoi. Je trouve ça fou à quel point mes sentiments à son égard sont changeants. Je veux l'enlacer et faire de sa tristesse la mienne, puis deux minutes plus tard, l'envie me prend de lui tordre le cou de toutes mes forces. 

Il prend finalement la parole, lorsqu'il voit que, malgré ma main posée sur la poignée du bureau, je n'entre pas.

- Je ne rigolais pas, tout à l'heure, au café.

Je me tourne vers lui, plantant mon regard dans ses pupilles chocolat. 

- Par rapport?

- Par rapport au fait que je peux être votre ami. On ira pas à des fêtes. On ira pas aux bars. Je ne vous trouverez pas un gentil garçon. Mais je veux vous tenir compagnie.

La raison de tout ça m'échappe.

- Pourquoi?

- Tout le monde a besoin d'un ami. D'un vrai.

Sur ces mots, il tourne les talons puis disparaît derrière l'un des murs du couloir, à sa gauche. 

Certes, j'ai besoin d'un ami. 

Mais il réalisera bien assez vite que je ne suis pas le genre d'ami révé.

Pinky Promise -J.PKWhere stories live. Discover now