J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans

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J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.


Halteko marche. Il ne sait pas où il va, mais les hommes savent-ils où ils vont ?

Une voix parle dans sa tête, il fait taire cette conscience tapageuse qui l'abreuve de remarques aussi inutiles les unes que les autres.

Il ignore les réminiscences qui valsent dans les abysses de sa mémoire, esquive les chagrins semblables à des sables mouvants dans lesquels s'enfoncer signifierait la mort par étouffement. Il ferme la porte sur les sourires parfumés d'un passé qui n'a jamais vraiment été le sien.

Et sans regret, il part.


Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,

De vers, de billets doux, de procès, de romances,

Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,

Cache moins de secrets que mon triste cerveau.


Il a vu, il a aimé, il s'est battu et a haï. La brume autour de lui, telle une écharpe de soie doucement mortelle, cherche à s'insinuer dans les failles de sa mémoire troublée.

Il tient bon.

Le Néant n'aura pas raison de lui aujourd'hui.


C'est une pyramide, un immense caveau,

Qui contient plus de morts que la fosse commune.


Ses mains sont rouges du sang de ceux qu'il a autrefois appelé famille, sur l'écran de ses paupières fermées clignotent les images désormais brouillées de ceux qu'il a aimés, détestés puis tués. Il devrait avoir honte, se haïr et sombrer ; mais Halteko marche, comme il l'a toujours fait.

Son cœur est mort avec eux, comment peut-il encore avancer ?


Je suis un cimetière abhorré de la lune,

Où comme des remords se traînent de longs vers

Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers.


Son visage est de marbre, impassible ; son cœur est une tempête qui fait rage. Les émotions tourbillonnent, cherchant à devenir larmes, soupirs et sanglots. Elles échouent.

Le passé est de sang et de larmes, ceux qui l'ont quitté ne reviendront pas, jamais. Le futur n'est au loin qu'une lueur amère à l'odeur de mort. Le présent est aussi fade que la brume qui l'entoure.


Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,

Où gît tout un fouillis de modes surannées,

Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher,

Seuls, respirent l'odeur d'un flacon débouché.


Un nom, éclair virevoltant, traverse un instant ses souvenirs enchaînés.

Serela.

L'amour est aussi éphémère que l'éternité de la douleur.

Il aurait dû le savoir, mais il a succombé. Il ne peut que se blâmer pour son imbécillité. Halteko est condamné à porter les chaînes d'un amour qui n'est plus qu'une sauvage haine.


Rien n'égale en longueur les boiteuses journées,

Quand sous les lourds flocons des neigeuses années

L'ennui, fruit de la morne incuriosité,

Prend les proportions de l'immortalité.


Chaque jour ressemble au précédent. Ses funestes erreurs se répète inlassablement. Devant lui se joue la scène finale qui sera la dernière d'une pièce fatale.

Et il reste là, impuissant.

Encore une fois, peut-être la dernière...


Désormais tu n'es plus, ô matière vivante !

Qu'un granit entouré d'une vague épouvante,

Assoupi dans le fond d'un Sahara brumeux ;

Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,

Oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche

Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche.


Le monde tourne aussi sûrement que les aiguilles d'une montre. Tout naît et tout meurt ; mais il reste là, immuable statue qui contemple la mort.

La brume s'écarte, Halteko avance dans les rues grises et monotones d'un monde qui défaille.

Derrière lui retentit un rire d'enfant, un rire de lumière au milieu d'un monde qui dort.

Il sourirait s'il le pouvait, mais Halteko sait très bien que pour lui aussi viendra l'heure... de la bataille.



Bonjour tout le monde ! Comment ça va ?

On se retrouve donc pour un petit poème fort joyeux et qui pète la bonne humeur, à savoir le Spleen - LXXVI de Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal sont à lire si ce n'est pas encore fait, un chef d'œuvre vraiment).

Quand j'ai relu ce poème hier pour mon français, j'ai été émue aux larmes (ça m'arrive, surtout quand je suis crevée) par la ressemblance avec la façon de pensée d'Halteko et j'ai donc passé toute ma soirée d'hier à écrire. 

Je ne souhaite pas m'étendre sur mon essai d'être pOéTiQuE *ahem* mais ça fait toujours du bien d'écrire d'un jet comme ça ce qui nous vient. 

Et puis comme ça parle d'Halteko et que ça ne spoile rien, autant le publier.

(Vous n'êtes pas d'accord sur le spoil, hmm ?)

Enfin bref, vous constaterez que je suis toujours en retard sur les commentaires (mais je les lis et merci du fond du coeur vraiment <3), je ne parle même pas de la FAQ et comment dire qu'écrire un chapitre tout de suite maintenant serait risqué. Sauf si vous le voulez en vers, hein, mais bon...

J'écrivais déjà un texte sur Halteko juste avant de me mettre à délirer sur la poésie, un texte qui PETE LA JOIE encore une fois (non vraiment c'est la déprime, faut que j'arrête avec ça). Oh, et un texte sur une Elnolu qui n'a mais rien à voir avec l'histoire d'ELEMENTS, mais qui parle de poésie et de peinture, enfin bref le délire pur et simple.

J'espère que je n'ai plombé le moral de personne avec Mr Baudelaire.

A bientôt sur la section commentaires en tout cas ! Bisous à tous, prenez soin de vous surtout ! ❤

J'ai trouvé la porte...Where stories live. Discover now