Photo [Réécriture en cours]

Quatre • « Le premier samedi »

Ton absence me pèse. J'en ai marre de te savoir loin. Je n'ai aucune idée d'où tu as pu aller, du moins, si, j'en ai une, mais c'est tout simplement impossible. C'est pour ça que je ne vais pas perdre de l'encre et de l'énergie à l'écrire. Je ne sais pas où chercher, je n'ai aucune piste. J'attends juste chaque jour une nouvelle photo. J'espère que ta mère n'est pas partie définitivement, il faut que je lui parle. Aujourd'hui nous sommes samedi. Habituellement le samedi matin on allait courir sur la plage, enfin, tu courrais et moi j'essayais de te suivre. Je vois encore tes cheveux presque noirs s'emmêler au vent. Je vais aller courir aujourd'hui.

Julia, décidée, sortit de sa chambre, laça ses baskets, enfonça la capuche de son pull sur sa tête puis descendit les escaliers, prête à affronter la pluie mais aussi la solitude. Elle griffonna un mot à l'attention de ses parents puis sortit de chez elle. Elle traversa le quartier puis une route et se trouva sur la plage. Aujourd'hui c'était la première fois qu'elle courrait seule. 

Elle n'avait pas trouvé l'énergie de le faire la première semaine qui avait suivi le départ de Zach, parce qu'elle cherchait sans cesse où il était. Elle avait gaspillé son énergie pendant toute une semaine à l'appeler, à laisser des messages sur son répondeur mais aussi à appeler Mrs O'Donnell. Puis, elle avait eu l'idée de lui écrire dans ce carnet et c'est à ce moment qu'elle avait commencé à recevoir des photos.

C'est en courant lentement sur le sable mouillé qui bordait la mer que Julia réfléchit à tout ce qu'il s'était passé. Après tout, peut-être que les photos qu'elle recevait voulaient dire quelque chose, peut-être même qu'elles étaient des indices. Zach ne l'oubliait pas, il était bien le seul à pouvoir lui envoyer ce genre de photos, il était la seule personne à la connaissance de Julia à prendre des photos à l'aide d'un Polaroid. Peut-être qu'il l'aimait encore. Julia avait peine franchi le pas des 500 mètres qu'elle s'arrêta, essoufflée.

Sans lui, rien n'était pareil. Elle n'y arrivait pas. Elle n'arrivait pas à courir, pas sans ses encouragements, pas sans son rire, pas sans son sourire, pas sans ses yeux bleus. Elle s'assit alors et regarda les vagues s'écraser contre le sable. De légères gouttes de pluie se remirent à tomber, camouflant quelque peu les larmes qui coulaient sur les joues de l'adolescente.

Plage de Sandymount, Juin 2014

Le pari avait était lancé par Aileen, contre Connor. Si elle perdait, elle lui devait un baiser, si il perdait, il lui devait un chocolat chaud. Zach devait entraîner Julia à courir un kilomètre en dix minutes. Il avait les trois mois de vacances scolaires pour y parvenir. Chaque samedi, ils courraient ensemble désormais. Le couple avait alors marché jusqu'à la plage qui se trouvait en face de leur quartier, prêt à courir sous le soleil éclatant du mois de Juin.

Julia ne semblait pas très confiante, elle détestait courir et cela depuis toujours. Tandis que Zach aimait cela, cela l'avait aidé à traverser le divorce de ses parents. Souvent, quand il allait mal, il allait courir et puis tout allait mieux. Mais cela devenait rare depuis qu'il s'était rapproché de Julia, car elle savait trouver les mots pour l'apaiser. Ils arrivèrent sur le sable et s'approchèrent de l'eau, laissant sur le sol les empreintes de leurs baskets.

« - Donc, on va courir jusque... Tiens, jusqu'à ce qu'on arrive en face de la station essence de l'autre côté de la route ! Ok ? », dit Zach en souriant

« - La station essence ? Quoi ?! », s'exclama Julia

« - C'est pas grand-chose Julia, ça aller, je te le promets. »

Zach offrit son sourire le plus rassurant à Julia qui faiblissait avant même d'avoir couru. Il embrassa tendrement sa joue avant de trottiner lentement, entraînant Julia avec lui. Comme promis, ils parcoururent le chemin qui était prévu et une fois arrivés en face de la station essence, la jeune femme s'assit dans le sable afin de reprendre son souffle tandis que Zach sourit et tendit sa main à Julia pour qu'elle tape à l'intérieur, ce qu'elle fit en riant légèrement.