VII

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La saison, tant attendue par les jeunes femmes en quête de bons partis et les jeunes hommes en mal d'une belle rente annuelle, débuta quelques jours après Pâques. Chaque saison à Londres rimait avec d'innombrables invitations à des dîners, réceptions et bals. Mrs Campbell, qui était toujours heureuse de faire paraître lors de ces occasions les deux demoiselles de la maison, avait jugé, plusieurs semaines en amont, de leur faire confectionner quelques nouvelles toilettes à la mode, car elle était certaine que les demoiselles seraient conviées à de belles réceptions. Ainsi, cinq jours après la visite de Mrs Osborne et de Miss Stephens, on se rendit à bord de la voiture des Campbell à Mayfair pour récupérer les robes qu'on avait commandées. On flâna dans quelques boutiques et Mrs Campbell se souvint que Mr et Mrs Osborne résidaient à seulement quelques pas de l'endroit où elle et ses filles se trouvaient :

- La politesse voudrait que nous leur rendions à notre tour une visite de courtoisie. Elles seront très heureuses de nous voir, j'en suis certaine.

Catherine approuva l'idée de sa mère, tandis que Jane y montra quelques réserves, sans pour autant pouvoir les justifier devant Mrs et Miss Campbell qui n'en tinrent pas compte. On demanda au cocher de les amener à Grosvore Square, après avoir rangé ses emplettes dans la voiture. Enfin on s'arrêta et ces trois dames descendirent à l'adresse de leur destination.

Un jeune valet, après avoir à peine regardé la carte que lui tendait Mrs Campbell, les emmena dans un grand et luxueux salon où elles y trouvèrent Mrs Osborne et Miss Stephens habillées pour sortir et Mr Osborne assoupi et ronflant dans un fauteuil*1. Leurs deux hôtesses se confondirent en excuses. N'attendant et n'espérant aucune visite durant la matinée, elles avaient décidé de sortir et de rendre visite à la tante de Mr Osborne, qui résidait à quelques pas d'ici et qui venait d'arriver pour la saison avec son époux, le vicomte. On leur assura que la présence de ces trois dames ne les dérangeait absolument pas et qu'elles pouvaient reculer leur propre visite d'une petite dizaine de minutes. Enfin on leur témoigna le souhait de les revoir à Grosvore Square prochainement, bien qu'elles redoutassent d'être absentes en raison de plusieurs visites qu'elles devaient donner et rendre.

Mrs Campbell, Catherine et Jane prirent congé de ces dames et de ce monsieur - qui n'avait rien remarqué et qui ne s'était pas réveillé malgré le bruit -, et dans la voiture Mrs Campbell fut très attristée d'avoir mal choisi son heure et son jour :

- J'oublie souvent qu'une dame du rang de Mrs Osborne a autant d'obligations. Mais je suis certaine qu'elle et sa sœur étaient très heureuses de nous voir.

De retour à St James's Street, ces trois dames apprirent de Tucker, le valet, que Mr Stephens était passé durant leur absence et celle du colonel. Cette nouvelle fut reçue avec une grande déception de la part de Mrs et Miss Campbell. L'épouse du colonel ne manqua pas de déplorer qu'elle eût très mal choisi son jour pour quitter la maison avec les deux demoiselles et surtout avec Jane, car il ne faisait aucun doute que c'était Jane que Mr Stephens avait désiré voir. On trouva néanmoins une consolation lorsque le colonel fut de retour. Son épouse et sa fille lui racontèrent toute l'histoire, et le colonel leur assura que Mr Stephens reviendrait et qu'il y aurait d'autres occasions de rendre visite à ses sœurs à Grosvore Square.

Le lendemain, au moment du déjeuner, Tucker remit plusieurs lettres à chacun. Jane reçut l'habituelle lettre de sa tante, tandis que Mrs Campbell ouvrait avec joie une invitation à une grande réception qui aurait lieu dans trois semaines.

- Je vous avais dit mes chères filles que vous auriez l'occasion de danser ce printemps, dit-elle en donnant l'invitation à Jane.

- Chez le général Pearce... lut-elle.

- Mais c'est formidable ! s'extasia Catherine. Cela signifie que les Webb, les Stephens, et sans doute les Osborne seront invités !

Le général Pearce était un ami de longue du colonel et de Mr Webb. Ils avaient servi ensemble au tout début de leur carrière militaire. Mais contrairement au colonel, la fortune du général était considérable. Il avait hérité cinq ans auparavant - à la mort de son cousin qui était sans descendance et enfant unique - d'un beau domaine dans le Kent et d'une maison dans le quartier de Mayfair. Le général, qui était déjà riche, avait vu sa fortune s'accroitre de façon considérable et avait pu augmenter les dots de ses quatre filles, qui n'avaient pas tardé à faire de beaux mariages, tout comme ses deux fils. C'était la deuxième fois que le général et son épouse donnaient un grand bal dans leur maison de Londres, le dernier avait eu lieu trois ans en amont à la même période.

JaneDonde viven las historias. Descúbrelo ahora