VIII

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Mrs Campbell était déterminée à rendre la visite qu'elle devait à Mrs Osborne. Mais il eut une nouvelle déconvenue. Trois jours après la venue de Mr Stephens, Mrs Campbell emmena avec elle Jane et Catherine à Mayfair. Elles se présentèrent un peu plus tôt que la dernière fois à Grosvore Square. Un valet, plus âgé que le précédent, leur ouvrit la porte et Mrs Campbell lui présenta sa carte. Le domestique haussa les sourcils et leur demanda de patienter quelques instants, car il ne savait pas si sa maîtresse était présente. Au bout de quelques minutes - qui parurent une éternité à Mrs Campbell et aux deux demoiselles -, le valet revint et se confondit en excuses. Mrs Osborne et Miss Stephens s'étaient absentées, et le domestique leur conseilla de revenir demain à la même heure, car ces dames recevaient habituellement des visites le mardi et ne quittaient pas la maison durant la matinée.

Le lendemain, Mrs Campbell, Catherine et Jane se présentèrent à nouveau à Grosvore Square et furent à nouveau conduites dans le même salon richement meublé. Mrs Osborne invita ces dames à s'asseoir après avoir échangé les politesses habituelles. Miss Stephens ajouta qu'elle et sa sœur avaient été très attristées d'avoir manqué leur visite de la veille. Il sembla à Jane que le ton employé par Miss Stephens était trop exagéré pour marquer une véritable déception.

Mrs Osborne restait la plupart du temps silencieuse, c'était davantage sa sœur qui menait la conversation, si bien qu'on pouvait croire que c'était elle la maîtresse des lieux. On eût pu croire que c'était un comportement fort impoli de sa part, mais sa sœur aînée n'avait jamais eu l'envergure, ni le caractère d'une maîtresse de maison. Jane ne douta pas une seconde qu'à Halloran House, c'était la cadette - en dépit de son âge - qui avait toujours gouverné.

Miss Stephens fut la première à aborder le sujet du bal que les Pearce donneraient dans vingt jours. Cette réception l'enchantait d'autant plus que son frère avait accepté de s'y rendre. Elle ne doutait guère qu'il y ferait des rencontres très intéressantes :

- Ma tante, ajouta-t-elle, m'a dit que l'une des très bonnes amies de la dernière fille des Pearce serait là-bas. Il s'agit d'une demoiselle Molinary qui séjourne durant l'année à Bath et qui - de ce qu'on dit - héritera d'une fortune considérable prochainement. Mais ne parlons pas de sa fortune. J'ai entendu dire qu'elle était d'une grande beauté et qu'elle était dotée de nombreux talents. Je suis certaine qu'Edward sera aussi ravi que moi de faire sa connaissance. En ce qui me concerne, je suis sûre que nous deviendrons de bonnes amies. Qu'en pensez-vous Lucy ?

Mrs Osborne se contenta de hocher la tête, car elle était bien plus occupée à déguster l'un des biscuits secs qu'on avait fait servir avec un peu de thé pour ces dames. Sa sœur monopolisa à nouveau la conversation sur Miss Molinary.

- Ma tante m'a dit que Miss Molinary avait été placée sous la tutelle de son oncle, un amiral, dont elle héritera un jour. La pauvre jeune fille est orpheline comme vous Miss Fairfax. Elle n'a presque pas connu ses parents et elle a été prise en charge par son oncle. Quelle malheureuse enfant.

Jane crut bien que Miss Stephens allait ajouter que cette Miss Molinary avait fort heureusement d'autres perspectives qu'elle, et que les similitudes entre elle et cette demoiselle fortunée s'arrêtaient là.

- Je sais également que son oncle l'a fait éduquer à Londres, dans une prestigieuse école, poursuivit Miss Stephens. Comme Lucy et moi aurions voulu aller dans ce genre d'établissement, plutôt que d'avoir une sinistre gouvernante. Mais notre père ne voulait pas que nous nous éloignions de lui, et Edward était de cet avis. Je suis certaine que si j'avais été dans une de ces écoles, je serais devenue une pianiste tout aussi talentueuse que vous Miss Fairfax.

Jane se contenta de répondre qu'il n'y aurait eu aucun doute, bien qu'elle n'en crût pas un mot. Mrs Campbell ajouta que Jane et Catherine n'étaient allées dans aucune école de Londres, mais qu'elle et son époux avaient recruté une gouvernante et plusieurs maîtres pour parfaire l'éducation des deux demoiselles.

JaneWhere stories live. Discover now