Jane

V

L'inclination de Mr Dixon ne fit pas pour autant oublier à Catherine l'avenir matrimonial de sa chère amie. Il était l'ami de Mr Stephens et était tout comme lui irlandais. N'était-ce pas un curieux hasard ? Catherine souhaitait ardemment que les deux hommes les demandent en mariage elle et son amie. Ainsi elle et Jane vivraient dans le même pays et pourraient se voir régulièrement. Miss Campbell n'avait pas vraiment songé à la distance qui séparait les deux domaines, d'ailleurs elle ne connaissait pas vraiment la géographie de l'Irlande. Néanmoins, Catherine était certaine que si les deux gentlemen faisaient leur demande, elle et Jane ne seraient pas autant éloignées l'une de l'autre que si l'une restait en Angleterre, tandis que l'autre partait quelque-part en Irlande. Il fallait qu'elle presse Jane à faire preuve d'un peu plus de volonté avec Mr Stephens. Ce gentleman n'avait peut-être pas compris que Jane éprouvait pour lui une vive inclination, et cette dernière se devait d'être plus démonstrative.

Catherine, tout comme ses parents, ne souhaitait pas voir Jane devenir une pauvre gouvernante. Celle qu'elle considérait comme sa sœur valait bien mieux que cette sordide situation. Miss Campbell décida donc de s'en ouvrir à son amie, car elle jugeait qu'il était grand temps qu'elle saisisse sa chance avant qu'il ne soit trop tard.

- Ne trouvez-vous pas, Jane, que Mr Stephens vous porte une certaine attention depuis que nous l'avons retrouvé à Weymouth ?

Jane acquiesça, mais elle ne voyait aucune intention cachée derrière l'affabilité de Mr Stephens.

- Il me semble qu'il apprécie beaucoup votre compagnie.

- Mr Dixon ne vous quitte pas une seule seconde, et Mr Stephens voit bien assez ses sœurs puisqu'il séjourne chez son beau-frère, répondit Jane.

- Néanmoins, je le trouve plus gai, insista Catherine.

- Ce revirement est sûrement dû à l'air marin. Il m'a confié qu'il aimait les grands espaces et le littoral.

- Je vois, Mr Stephens vous fait donc des confidences, insinua Catherine.

Jane s'empourpra et se justifia en disant que ladite confidence aurait pu être dite à n'importe qui, qu'elle relevait du registre des trivialités.

- Ne voyez-vous pas que Mr Stephens est très certainement épris de vous Jane et qu'il n'attend qu'un signe de votre part pour se déclarer ?

Jane ne put refreiner un rire. Elle n'espérait nullement se faire demander en mariage avec Mr Stephens dont elle appréciait cependant la compagnie. Elle se satisfaisait amplement de leur amitié, mais n'attendait nullement de sa part qu'il fasse d'elle son épouse.

- Jane, je vous en prie, retrouvez votre sérieux. Vous savez tout comme moi que la situation est grave. Il y aurait de bien plus mauvaises situations que de vous retrouver mariée à Mr Stephens. Vous et moi serions en Irlande. Ne serait-ce pas merveilleux ?

- Vous seriez-vous fiancée en secret à Mr Dixon ? plaisanta Jane. Je vous pensais plus raisonnable Catherine, d'autant plus que nous avions promis de n'avoir aucun secret entre nous.

- Jane, comment pouvez-vous penser que je vous dissimulerais une telle chose ? Je peux vous assurer que si Mr Dixon me demandait vous seriez la première à en être informée.

- Je vous souhaite sincèrement d'être heureuse avec Mr Dixon, et si jamais Mr Dixon vous emmenait avec lui en Irlande, je vous promets de me trouver un bel irlandais pour vous faire plaisir.

- Vous ne parlez pas sérieusement, sourit Catherine. Vous en avez un juste devant vos yeux et vous ne tentez pas votre chance.

La suite des propos tenus par Catherine étonna fortement Jane qui, jusqu'à maintenant, pensait avoir été la seule à avoir soupçonné la personne ciblée par son amie.