Prophecy

Chapitre un

Ulyssia avançait d'un pas confiant.

C'était du moins l'image qu'elle s'efforçait de laisser transparaître.

Ses pensées étaient embrumées, le moindre rayon de soleil augmentait son mal de tête, et ses yeux menaçaient chaque seconde davantage de se fermer. Ses talons résonnaient à allure plus ou moins régulière sur le sol. Chaque pas lui coûtait, si bien qu'elle dut se rattraper à une façade d'immeuble pour ne pas flancher.

Elle renvoyait un regard assassin à tous les passants qui la regardaient de travers.

La manière dont ils la toisaient n'avaient rien de surprenant : Ulyssia ne passait pas inaperçu. Ses longs cheveux roux lui retombaient jusqu'au bas du dos ; quelques tresses se détachaient du lot, ornées de bijoux et autres breloques fantaisistes, tandis que ses cheveux lâchés étaient incroyablement lisses. Sa robe bleu marine était très élégante, avec ses longues manches qui imitaient le velours. Ses yeux – l'un vert, l'autre bleu – se remarquaient au milieu de la marée de ses innombrables taches de rousseur. Ses jambes étaient très longues, mais elle avait quand-même pris la peine de se percher sur de hauts talons, comme si elle défiait quiconque la trouvait trop grande de le lui reprocher.

Elle avait l'allure innocente, mais l'attitude d'une lionne.

Elle aurait aimé être capable d'effacer le jugement qu'elle lisait dans les yeux de ceux qui la toisaient. Fort heureusement, l'état actuel de son esprit l'empêchait de s'attarder sur des détails comme celui-ci. C'était aussi ce qu'elle appréciait.

La jeune femme fouilla précipitamment dans la pochette noire qu'elle arborait. Elle rencontra finalement l'écran de son smartphone, ce qui la détendit immédiatement. Chaque matin, elle priait pour l'avoir mis en sureté, et chaque soir, elle oubliait pourquoi elle s'en était souciée.

Elle le consulta brièvement, et constata que la journée venait à peine de démarrer. Même si pour elle, elle se terminerait plutôt d'ici une demi-heure. Elle leva ses yeux vairons en direction de l'allée qu'elle empruntait, pour remarquer qu'il s'agissait de la rue adjacente à la sienne.

Ulyssia se félicita d'être arrivée à destination en un seul morceau. De plus, elle n'avait menacé de s'effondrer qu'une seule fois, ce qui était de l'ordre du miracle. Elle avait tâché d'être plus sobre, ce soir-là. Quelqu'un avait suffisamment attiré son attention pour qu'elle s'efforce de conserver un peu de lucidité. Elle n'aurait pas dû, cet homme ne méritait pas une once d'intérêt.

Lorsqu'elle atteignit finalement l'entrée de son immeuble défraichi, Ulyssia fronça les sourcils. Un homme se tenait devant elle, habillé d'une tenue peu conventionnelle. Son esprit ralenti mit quelques temps à réaliser qu'il s'agissait de l'uniforme de l'industrie Prophecy's. Son froncement de sourcil s'accentua. L'homme s'avançait déjà dans sa direction.

La combinaison qu'il portait était de très mauvais goût, mais elle avait le don de se démarquer. Un jaune canari se mêlait à différentes nuances de couleurs chaudes très mal dosées. L'insigne de l'entreprise – un cachet de lettre, jaune lui aussi, en forme de boule de cristal – était représentée plusieurs fois le long des manches.

Cette vision était presque susceptible d'augmenter ses maux de tête. Fort heureusement, l'apparence de l'homme contrastait avec l'infamie dont il était habillé. Ses cheveux blonds s'entortillaient, se rebellaient, visiblement indomptables. Un bandana les soutenait négligemment. Il avait le teint hâlé, et des orbes perçants d'un bleu océanique. Ulyssia plissa les yeux, presque agacé par cette beauté insolente. Il accentuait définitivement son mal de crâne.

Mais c'était la lettre qu'il tenait à la main qui la préoccupait le plus.

Elle n'eut même pas besoin de consulter de nouveau son téléphone pour se souvenir de la date du jour. Elle ne savait pas comment elle était parvenue à ne pas tilter, lorsqu'elle l'avait regardée distraitement. Peut-être n'avait-elle pas tant décuvé que cela, tout compte fait.