Chapitre treize

0 0 0
                                    

– Que tu ne veuilles pas me dire ce que rescelle ta Prophétie, ni la raison pour laquelle tu es intouchable, c'est une chose. Mais j'ai besoin de savoir ce que tu attends de moi, parce que si je fais tout foirer ce soir, ce sera ta faute.

Daral haussa les sourcils, comme s'il était surpris de sa franchise. Elle-même n'était pas certaine de l'argument qu'elle emploierait avant qu'il ne passe la barrière de ses lèvres. Elle savait simplement qu'il serait cette fois-ci question de bon sens, et qu'il ne pourrait s'y désister.

Il serra les dents, comme s'il voulait reculer l'échéance. Mais ce n'était plus envisageable, ils le savaient tous les deux. Parce qu'ils pouvaient repousser l'inévitable, mais qu'il les rattraperait à coup sûr, ou qu'ils se cachent, quoi qu'ils fassent. Ça se passait toujours comme ça.

Si les dieux n'existaient pas, la malchance était de mise. Elle ne s'y trompait jamais.

– L'enjeu n'est pas seulement que je prenne le titre d'Oswald Hanks. Ta vie en dépend autant que la mienne. Mais je ne peux pas le faire à ta place, ce sera à toi de te battre.

Il soulevait un point sur lequel Ulyssia s'était posée beaucoup de questions par le passé. Pourquoi était-ce à elle d'accomplir cette tâche ? Qu'avait-il de particulier pour être celle qui permettrait à l'ascension du prochain gouverneur ? Si tant est qu'il y parvienne.

Mais la Prophétie n'existait jamais dans le vent. En général, elle fonctionnait en premier lieu, comme cela s'était passé avec ses parents. Et bien qu'elle ait refusé de l'admettre jusqu'alors, peut-être que ç'avait aussi fonctionnait avec Ulyssia.

Lorsqu'elle avait rencontré Daral, elle passait ses journées à dormir, ses nuits à boire jusqu'à en perdre connaissance, vomir au point d'en avoir l'estomac entièrement vide, et danser si fort qu'elle en avait des courbatures. Lorsqu'elle ne buvait pas, elle avait mal à la tête. Lorsqu'elle n'avait pas mal à la tête, elle buvait. Elle se bousillait la santé avec une telle vigueur que ça aurait pu avoir raison d'elle.

Mais il lui avait donné une raison de se battre, un objectif à accomplir, la possibilité d'apercevoir la lumière au bout du tunnel. Cet espoir s'était accroché à elle jusque sous sa peau, et ne l'avait plus quittée dès lors.

Mais beaucoup de questions l'avaient hantée, dont l'idée qu'elle ne comprenait pas pourquoi il avait besoin d'elle, ou même si elle en serait capable. Un instant, elle s'était demandée si la Prophétie n'avait pas fait erreur. Mais c'était impossible, la Prophétie ne se trompait jamais.

Bien qu'elle ait plutôt l'impression qu'elle se trompait toujours.

– Pourquoi moi et pas toi ?

Elle l'avait dit. Comme la plupart de ses questions, elle n'en attendait pas de véritable réponse. Pas parce que Daral refuserait de lui en offrir une, c'était le cas la plupart du temps, mais elle doutait que ce soit ce qui se produise cette fois-là. Elle se doutait bien qu'il s'agissait de quelque chose sur lequel ni l'un ni l'autre n'avait le contrôle.

Qu'à choisir, il aurait préféré de loin ne pas dépendre d'une gamine.

Il avait passé des années à la chercher, elle en était désormais certaine. Elle n'avait pas la moindre idée de pourquoi il s'était tout à coup persuadé qu'elle était celle qu'il lui fallait. Ginger aurait très bien fait l'affaire, elle en était certaine.

C'était une question à laquelle elle ne voulait pas simplement réponse, elle en avait besoin.

– La question n'est pas là, je n'aurais pas pu y arriver seul.

Il avait baissé d'un cran en prononçant la fin de sa phrase, comme s'il avouait quelque chose d'honteux. Pourtant, c'était bien la chose la plus censée qu'elle l'avait entendu dire aujourd'hui. Qui diable parviendrait à prendre l'ascendant sur Oswald Hanks seul ? Cela dit, elle ne voyait pas bien comment sa présence y changerait quelque chose.

ProphecyWhere stories live. Discover now