Chapitre final

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La déflagration retentit si sèchement qu'elle aurait aussi bien pu n'être qu'un souffle de vent.

Le bruit d'un corps qui s'effondre sur le sol s'en suivit aussitôt. Le temps sembla se suspendre un bref instant, comme si la pièce était plongée dans une bulle hors de la réalité, là où rien ne saurait faire de tort. Pourtant, le plus grand mal y avait été commis.

Seulement quelques secondes après le drame, un autre corps se heurta au sol. Deux genoux tremblants rencontrèrent les dalles froides, parées de rouge, du bureau du gouverneur. Une respiration si saccadée, si brutale, emplit tout l'espace.

Harald Hanks n'avait jamais tant tremblé. Il avait perdu le pistolet dans sa chute, et celui-ci baignait désormais allègrement dans la marée de sang qu'il avait failli provoquer. Ce n'était pourtant pas l'arme qui avait provoqué ce chaos. Mais le brun était bien trop chamboulé pour constater que son frère n'avait jamais trépassé. Qu'il avait tiré à sa place, et écourté les jours de la seule pour qui il aurait été capable de renoncer à respecter la Prophétie.

L'on ne saurait dire quand les inspirations d'Harald se muèrent en sanglots purs et durs. Tout était si entremêlé dans sa tête qu'il n'avait même pas l'impression d'être réel. Il l'avait presque fait, il l'avait presque tuée. Mais quelle importance, tout compte fait, puisqu'elle s'en était bel et bien allée. Il avait désiré que cela se produise, il l'avait toujours fait. Alors pourquoi avait-il l'impression qu'un pan entier de lui-même venait de disparaître avec elle ?

Harald n'échappa à ce tourbillon de souffrance que lorsqu'une main se posa sur son épaule.

Alors, seulement, son désespoir se mua en colère.

Il voulut frapper Oswald.

Son ennemi qui lui avait enlevé celle qu'il aimait. Son frère qui l'avait forcé à vivre une vie de fugitif pour prouver sa valeur. Le gouverneur qu'il avait provoqué, méprisé, menacé, admiré.

Oswald fut plus rapide. Il lui assena un coup dans le tibia, précisément là où il savait qu'il serait incapable de se relever. Puis il lui tira les cheveux violemment pour le forcer à le regarder dans les yeux. Une grimace de souffrance déformait le visage d'Harald, qui n'avait plus rien de sa prestance d'antan. Il semblait bestial, animalisé par sa souffrance.

Mais il se sentait aussi anesthésié, comme si tout s'était déjà arrêté. Il n'attendait que l'instant où se moment se présenterait réellement.

– Tu as échoué, Harald. Tu es faible, je l'ai su à l'instant où tu as renoncé à m'achever, il y a quatre ans. C'est là que j'ai compris que tu étais voué à perdre, quoi qu'il arrive.

Harald ricana. Ou peut-être qu'il toussa, sanglota ou s'étouffa. Sans doute les quatre en même temps. Il n'était plus si certain d'être insensible à la douleur, tout compte fait.

– Tu as pris un antipoison... articula-t-il difficilement, d'une voix si éteinte qu'il parvint à peine à se comprendre lui-même.

Oswald tira encore davantage sur ses cheveux, par simple plaisir de le voir se crisper. Puis, d'un mouvement brusque, il le fit tourner la tête. Il le força à regarder en direction du corps inerte d'Ulyssia. Elle, ne faisait pas semblant d'avoir trépassait, en témoignait la blessure ensanglantée provoquée par l'unique tir de pistolet qu'Oswald lui avait assené. Au beau milieu du crâne.

Ses yeux étaient toujours ouverts. Harald aurait pu vomir, s'il eut été capable de faire le moindre mouvement.

En cet instant, il avait la certitude qu'il ne retrouverait jamais la paix, même s'il survivait. Surtout s'il survivait. Il ne voulait pas survivre.

ProphecyWhere stories live. Discover now