Chapitre dix

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Ulyssia ouvrit les yeux, les sourcils froncés.

Elle porta immédiatement la main à sa nuque, qui la lançait quelque peu. Elle se releva difficilement, encore dans le brouillard. Elle tâtonna autour d'elle alors que ses yeux s'acclimataient à la lumière ambiante.

C'est alors qu'elle réalisa qu'elle se trouvait sur un lit assez inconfortable.

Mais elle en avait connu, des matelas bon marché. Ce qui l'étonnait vraiment, c'était l'idée qu'elle ne s'y était jamais rendue. Elle se remémora la soirée précédente, sa conversation de sourds avec Daral et sa nonchalance alors qu'il s'était endormi juste sous ses yeux.

Cependant, elle en était certaine, jamais elle ne s'était rendue à cette place.

La rousse se passa une main sur le visage alors qu'elle émergeait encore. C'est là qu'elle remarqua qu'un morceau de papier trônait sur l'oreiller à côté d'elle. Elle s'en saisit aussitôt, interloquée.

L'écriture était assez brouillonne, mais pour l'avoir déjà lue par le passé, elle parvint à la décrypter assez facilement. Les yeux plissés, elle lut :

« Ton suiveur est hors-jeu, rouquine. Pas mal, le filet de bave qui coule sur ton menton. »

Elle soupira et fit immédiatement de la feuille une boule qu'elle lança dans la corbeille qu'elle avait aperçue. Le papier y atterrit pile au centre, ce qui lui décrocha un sourire.

La jeune femme se leva tant bien que mal, les membres encore engourdis.

Elle se demandait ce qu'il avait bien voulu dire par « hors-jeu ». L'avait-il simplement menacé, ou était-il allé jusqu'à commettre l'irréparable ? Après ses paroles de la veille, Ulyssia était en droit de se poser la question.

Elle préféra tout de même ne pas s'y attarder.

Elle récupéra sa pochette – après avoir vérifié que rien ne lui avait été subtilisé – et quitta la chambre d'un pas assuré. La matinée était déjà bien avancée.

Il était pourtant bien connu que Huges refusait que quiconque prenne ses petites locations pour un hôtel, et avait donc tendance à virer ses occupants dès l'aube. Mais elle avait toujours été privilégiée.

Elle descendit les marches une à une avec une certaine appréhension. Elle avait encore la tête dans le coton, mais ne désirait pas sortir de sa léthargie de sitôt. Elle se plaisait à ne pas avoir les pensées claires, car elle n'avait jamais beaucoup apprécié sa tendance à se torturer les méninges dès lors que celles-ci commençaient à tourner.

Néanmoins, son état ne l'empêcha pas de se douter que Huges ne devait pas voir d'un très bon œil ce qui s'était passé la veille. Il n'avait pas manqué de le lui faire savoir, lui intimant implicitement d'y mettre un terme sur-le-champ. Elle aurait aimé lui faire comprendre que c'était impossible, mais le connaissait suffisamment pour savoir qu'il aurait tout de même tenté de l'en dissuader.

Et elle n'avait certainement pas besoin de quelqu'un pour exprimer à voix haute les pensées qu'elle-même s'efforçait de faire taire. Surtout que Huges était l'un des rares qu'elle écoutait réellement. Sans doute son seul ami, même après qu'il l'ait vu dans ses états peu reluisants.

C'était la raison pour laquelle elle lui faisait tant confiance. Elle ne savait pas si c'était réciproque, ni même l'image qu'il avait d'elle, mais ça n'avait pas vraiment d'importance. Ils se comprenaient.

Lorsqu'elle arriva à la dernière marche, elle resta un instant figée sur celle-ci.

Elle craignait réellement la manière dont il pourrait la regarder. Elle pouvait supporter le jugement d'inconnus qui n'avaient pas la moindre idée de qui elle était. Mais savoir que lui, qui la connaissait depuis près de trois ans, désapprouvait son comportement, c'était tout autre chose.

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