Chapitre dix-neuf

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Étrangement, la prononciation de son nom ramena Oren à l'esprit de la jeune femme. Elle n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche à ce propos, que déjà, Oswald faisait un geste pour congédier Olinda.

Lorsque les portes se refermèrent, Ulyssia se sentie frissonner sans parvenir à l'empêcher. Elle espérait que le gouverneur ait suffisamment d'égo pour penser qu'il s'agissait de l'effet qu'elle lui faisait.

Parce qu'il était bel homme, il allait sans dire. Ses traits étaient assez durs, mais la clarté de sa peau rajoutait une touche plus jeune à son visage. Ses cheveux bruns laissaient entendre qu'ils combattaient chaque jour pour reprendre une forme bien plus longue que la manière dont il les avait coupés. Sa musculature était appréciable, pour un homme politique visiblement assis à son bureau sans arrêt.

Mais ses yeux marrons étaient si vides qu'on eut dit qu'ils étaient dénués de vie. Sans le reste de son visage pour démontrer une once d'expression, ses prunelles auraient aussi bien pu appartenir à un cadavre.

– Bonsoir, se força-t-elle à prononcer en prenant place, sans vraiment savoir pour quelle raison il avait semblé si impératif qu'elle vienne.

Oswald plissa les yeux un instant, comme à la recherche de réponses implicites que son expression lui offrirait. Ulyssia redoubla de concentration pour paraître neutre, en oubliant complètement sa prétendue adoration pour lui.

Lorsqu'il sembla satisfait, il recula pour se caler dans son fauteuil, les coudes sur les accoudoirs et l'air désintéressé. Il l'observait comme s'il attendait quelque chose d'elle, c'est pourquoi elle s'éclaircit la gorge, puis demanda :

– J'ai eu Oren au téléphone... c'est vous qui lui avez ordonné de me suivre, n'est-ce pas ?

Elle avait tenté de ne laisser paraître aucune animosité dans sa voix, comme si elle trouvait parfaitement normal que le politicien ait ordonné à ce qu'elle soit suivie. Oswald haussa les sourcils, comme s'il ne s'était pas attendu à ce que ce sujet soit abordé.

Pourtant, s'il n'était pas étonné de sa présence ici, il devait bien avoir conversé avec Oren précédemment. Le mauvais pressentiment de la jeune femme s'accentua.

– Oren parlait beaucoup, il va sans dire, soupira Oswald en penchant quelque peu la tête, un air indéchiffrable sur le visage.

Ulyssia pensait qu'il allait poursuivre, mais il ne le fit pas. Il cherchait à provoquer une réaction chez elle, et elle ne savait pas laquelle elle était censée lui offrir. Alors elle demanda, sur le ton de la conversation :

– C'est l'un de vos meilleurs employés ?

Des milliers de questions plus pertinentes auraient pu passer la barrière de ses lèvres, mais elle savait désormais qu'il fallait bien souvent emprunter des chemins détournés pour obtenir les réponses escomptées. Et tant qu'ils n'abordaient pas le sujet qui fâche, celui de l'homme à abattre, son malaise ne restait que sous-jacent.

Les lèvres d'Oswald se parèrent d'un sourire malsain, et Ulyssia commença à triturer le rebord de sa chaise maladroitement, à un endroit où il ne pouvait la voir faire. Elle ne se ferait jamais à ces entrevues angoissantes que les plans tordus de Daral l'obligeaient à encaisser.

– C'était un brave homme, toujours prêt à prendre des risques.

Le geste d'Ulyssia se figea lorsqu'elle comprit qu'il ne s'agissait vraiment pas d'une erreur, cette fois-ci. Oswald avait parlé au passé, pour une raison qui lui était encore inconnue. Et l'expression qu'il abordait valait toutes les expressions du monde, ce qui serra la gorge d'Ulyssia.

Il reprit la parole, ce qui soulagea la rousse, parce qu'elle n'était pas certaine d'être en mesure de parler.

– Maintenant, abordons des sujets plus d'actualité. J'ai cru comprendre que vous craigniez que Daral ne s'en prenne à vous au cas où vous décidez de vous libérer de son emprise.

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