Chapitre neuf

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– Est-ce que tu sais ce qu'Oswald Hanks aime le plus au monde ?

Ulyssia fronça les sourcils, franchement surprise. Elle n'en avait pas la moindre idée, à tel point qu'elle s'étonnait de voir que lui, apparemment, avait réponse à cette question.

Elle répondit que non, tachant de ne pas lui montrer à quel point elle était intriguée.

– Voir ses opposants mourir.

La jeune femme le toisa un instant, comme pour s'assurer qu'il ne la faisait pas marcher. Mais il demeura très sérieux, ce qui la poussa à réfléchir à la question.

Ce qu'il lui venait de dire n'avait rien de surprenant : le gouverneur avait une réputation bien faite, qui mettait en avant son caractère cruel.

Mais de là à dire qu'il pouvait faire preuve d'une telle inhumanité.

Pourtant, c'était bien ce que les faits disaient, elle le savait. Tous ceux qui avaient émis l'hypothèse de ne pas adhérer à sa politique avaient disparus. Tous, sauf Daral.

Il savait forcément quelque chose à propos d'Oswald Hanks que les autres ignoraient, restait à découvrir quoi.

Puis une pensée lui traversa l'esprit. Très rapidement, sans qu'elle ne l'y invite et qui s'immisça pourtant profondément sous sa peau.

Elle aussi était une opposante, désormais. Elle qui s'était toujours efforcée de s'éloigner du monde de la politique, principalement par instinct de survie, se retrouvait désormais propulsée sur le devant de la scène. Mais avec un peu de chance, si Daral était protégé de la mort par Dieu sait quelle magie, elle serait bénie de la même manière.

Même si elle doutait qu'il concède à lui faire part de cette vérité-là. Elle lui était bien trop précieuse.

– Et qu'est-ce que ça nous apporte, de le savoir ?

Daral sourit du coin des lèvres.

Ulyssia ne savait pas si c'était parce qu'elle avait employé le « nous », l'incluant directement au sein de son plan, ou parce qu'elle lui montrait finalement une once d'intérêt. Il n'empêche que la conversation semblait prendre exactement le chemin qu'il avait désiré, ce qui lui fit presque regretter d'avoir posé la question.

Mais elle ne pouvait pas se mentir plus longtemps : elle brûlait de le savoir.

Elle avait toujours eu cela en elle. Cette petite flamme de rébellion qui n'attendait qu'une étincelle pour se transformer en véritable brasier. Sa Prophétie avait été cette étincelle. Ou peut-être était-ce simplement les ambitions de Daral. Mais cela revenait strictement au même : elle était désormais libre de se déchaîner.

Quitte à en perdre la vie, elle voulait au moins tenter de mourir sans regrets.

Alors qu'il la regardait toujours avec cette même satisfaction apparente, Daral se leva. Elle s'était éloignée de quelques pas, mais il ne suffit au jeune homme que deux enjambées pour atteindre son niveau.

Arrivé à côté d'elle, il se pencha très doucement, puis lui susurra à l'oreille :

– Tu vas lui offrir exactement ce qu'il cherche.

Elle se sentit frissonner de nouveau, sans savoir si cette réaction était due aux paroles de Daral, ou à son étroite proximité avec elle. Une seule chose était sûre : elle n'aimait pas du tout ce qui était en train de se dérouler.

Ou bien c'était ce dont elle s'efforçait de se convaincre.

Car une part d'elle, plus silencieuse, moins proéminente mais toujours présente, se sentait complètement grisée par la perspective qu'il lui offrait. Quelque part, c'était comme un moyen de faire ses preuves, une occasion de montrer réellement de quel bois elle se chauffait.

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