- 6 - Penny

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Je me fige devant la porte de chez moi. Je regrette, je regrette, je suis déjà en train de regretter.

Dans quoi est-ce que je me suis embarqué?

Je n'ai plus rien à voir avec le volley-ball, ma place n'est plus dans une équipe, je n'ai plus la possibilité d'y jouer et je vais m'obliger à regarder des autres le faire. Que vont-ils penser de moi? Je vais arriver et leur dire "bonjour, c'est moi qui gère votre équipe maintenant"? Ils ne me connaissent pas. Ils ne m'aiment pas. Ça va s'ébruiter, ça va me faire mal. Et cet Alessio fait partie de l'équipe...

Je n'aurais pas dû, je n'aurais jamais dû.

J'ai un mauvais pressentiment. Je ne veux pas y aller demain, je n'ai pas envie de remettre les pieds au lycée. Je préfère être collée pour retard finalement.

J'ouvre finalement la porte que je viens de regarder pendant de longues minutes et je sursaute avant même d'avoir pu poser mes clés dans mon panier. Une chevelure ainsi qu'une paire d'yeux dépassant du dossier du canapé me fixent.

– PUTAIN DAN TU M'AS FAIT PEUR CONNARD!

Mon meilleur ami éclate de rire en descendant du sofa et s'approche de moi pour venir me prendre dans ses bras. Il me dépasse clairement, son année de moins ne se remarque plus du tout.

– Et moi j'ai cru que tu n'allais jamais te décider à passer la porte. A quoi tu pensais?

Alors qu'il me parle, je sens mes pieds quitter le sol et je le fusille du regard.

– Tu as intérêt à me déposer en douceur car mes genoux n'encaisseront aucun choc, encore moins aujourd'hui.

Il me pose alors avec une grande douceur dont il fait rarement preuve avant de lever les yeux au ciel.

– Que me vaut cette humeur massacrante aujourd'hui Leppie?

Je m'apprête à le sermonner pour l'usage de ce surnom débile mais il me coupe la parole.

– Mince, j'avais presque oublié que c'était ton caractère d'origine.

Je fronce les sourcils. Je jure que si mes yeux lançaient des éclairs, il aurait grillé sur place.

– Non plus sérieusement qu'est-ce qu'il se passe beauté?

Il sait comment briser jusqu'aux plus petites armures que j'essaye encore désespérément de monter devant lui.

– J'en ai marre Dan. J'ai passé une journée cauchemardesque, les événements lamentables se sont enchaînés.

– Bichette, assieds-toi et raconte moi tout, j'ai une surprise pour toi après.

Je le regarde s'asseoir sur l'une des chaises de ma salle à manger qui est ouverte sur le hall, la cuisine ainsi que le salon. J'avais presque oublié l'aisance de mon meilleur ami dans cette maison dans laquelle il avait sûrement passé autant de temps que la sienne.

– D'ailleurs, je peux savoir comment tu es rentré? demandé-je en prenant place juste à côté de lui.

– Les clés que Tatie Misaki laisse toujours sous le mini pot de fleur à côté de la porte arrière, fait-il fièrement en me montrant le petit trousseau de fer qu'il finit par poser sur la table.

Je n'avais pas constaté durant cette dernière année à quel point ses mimiques et habitudes m'avaient manquées. Que ce soit son caractère ou même sa manie – honnêtement super mignonne – qu'il a d'appeler ma mère tatie.

– Tu me racontes du coup?

– Oui, oui. Tu vois ma prof de maths que je déteste déjà?

Et je commence à lui raconter un à un toutes les situations désagréables dans lesquelles je me suis retrouvée aujourd'hui en partant de ma note jusqu'à l'appel dans le haut-parleur en passant par les antidouleurs inefficaces.

– Le proviseur m'a dit que si je voulais qu'il ferme les yeux sur mes retards, il fallait que j'accepte de manager l'équipe de volley masculine du lycée car ils n'ont plus de manageur.

Je vois Dan ouvrir de grands yeux.

– Manager Stifling? Tu te fous de ma gueule Penny?

– Non il m'a dit avoir découvert ma participation aux nationaux l'année dernière.

– Je ne sais pas si c'est incroyable ou horrible! L'opportunité est trop bien comme tu ne peux plus jouer, tu vas continuer d'avoir une équipe mais ça veut aussi dire que l'on serait adversaires pour les championnats.

Sa rentrée en seconde et son carton au collège font de Dan l'un des rares secondes titulaires dans son lycée qui vise aussi les championnats du Texas.

– Comment on va faire? J'avais prévu de te ramener à mes entraînements moi.

– Dan stop. Je suis putain de paniquer à l'idée de devoir me présenter comme manageuse à une équipe là. Je fais quoi s'ils me rejettent? S'ils se foutent de ma gueule? Dan ma place c'est sur un terrain pas à côté du coach!

Mon meilleur ami me dévisage et je vois qu'il me scrute de haut en bas avec un regard que je n'aime pas beaucoup car j'ai l'impression d'avoir l'air pathétique le temps d'une seconde.

– Qu'est-ce que tu racontes Penny? Tu me rappelles ce que tu as au genou. Tu ne peux plus jouer ma grande. Tu ne vas pas me dire que tu préfères laisser passer cette opportunité parce que tu considères que tu préfères te priver si tu ne joues pas? La vie à décider d'arrêter de s'acharner sur toi après tout ça et de peut-être te laisser être heureuse dans ta passion d'une autre façon. Arrête de te frapper si plus personne n'est là pour t'y contraindre.

– Je...

– On n'a pas passé autant d'années à s'entraîner ensemble pour que tu quittes cet univers sans rien dire et que tu ailles t'enfermer dans tes jeux vidéos. T'as le volley dans le sang soeurette, au moins autant que moi.

Je suis sans voix face à la violence et la véracité de ses remarques.

– Je t'ai déjà dit quelque chose qui pourrait te faire du mal?

– Quand tu m'as dit de mettre mon doigt dans une petite boîte qui donnait des décharges.

– Joker.

Je me retiens de rire car nous étions dans une conversation sérieuse il y a moins d'une minute.

– Penny tu vas t'éclater j'en suis sûr. Et entre ça et les heures de colles ou les travaux d'intérêts généraux, le choix est vite fait.

Je déteste en arriver à la conclusion qu'il a raison.

– Je sais que tu sais que j'ai raison. Bien maintenant à mon tour.

Il m'attrape le poignet et m'entraîne avec lui en direction de la porte d'entrée sans que je n'ai le temps de lui répondre quoi que ce soit.

– Qu'est-ce que tu fais?

– Regarde, me lance-t-il en sortant des clés de sa poche qui me sont inconnues.

Lorsqu'il appuie dessus, je vois les phares d'un scooter garé de l'autre côté de la rue s'allumer.

– Non Dan c'est toi qui te payes ma tête en fait?

– Il est joli, pas vrai?

– A qui tu l'as volé salop, tu n'arriveras pas à me convaincre que tes parents ont fait eux même la décision de mettre un danger publique comme toi sur la route.

– C'est petit, lâche-t-il en faisant mine d'avoir été touché par mes paroles.

– Tu as raté huit fois le code.

– Oui mais j'ai eu mon permis deux roues au bout de seulement la troisième fois.

Je plaque ma main sur mon front. Daniel Lennon est un cas désespéré, peut-être un génie du volley-ball mais c'est bien le seul endroit où se cancre réussi un tant soit peu.

– Tu veux faire un tour?

Je le dévisage.

– J'ai pris un casque exprès pour toi.

Un sourire se dessine au coin de mes lèvres contre mon gré. Tout le monde devrait avoir le droit d'avoir un idiot comme lui dans sa vie.

Just teens InLoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant