Chapitre 53 - la Vallée des Rois

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À notre réveil, le feu s'est éteint et un froid humide se glisse à présent jusque dans mes os. Je me hâte de partager les restes de carcasse refroidis avec mon compagnon, pressé de reprendre notre périple pour en finir au plus vite.

Les jours de marche se succèdent et se ressemblent.

Seul le paysage change.

Après deux jours passés au milieu de la pinède montagneuse ; une journée supplémentaire à traverser les sinueux marais salants d'Ilya ; nous nous apprêtons enfin à pénétrer dans l'étroit canyon d'Erin qui marque l'entrée de la Vallée des Rois.

À partir d'ici, une inscription gravée à même la roche en interdit l'accès aux communs des mortels.

"Prenez garde vous qui osez fouler ces terres où seuls les Héritiers de la Couronne sont admis, le Châtiment Suprême sera votre destinée."

La lecture de cette sentence rédigée en Élenien ancien provoque en moi un irrépressible frisson. C'est ici que va se jouer ma mise et l'heure n'est plus à la réflexion. Je m'arme de courage et engage Arkos à pénétrer avec moi dans le défilé rocailleux. Le passage est tellement exigu que je peine à imaginer le chemin inverse escorté par un animal sauvage au bout d'une longe. Je refoule alors cette perspective loin dans ma tête auquel cas je serai tenté de faire demi-tour sur-le-champ !

Plus je me rapproche de ma destination plus ma trachée ressemble à cet odieux canyon ; sèche et étriquée par l'angoisse insidieuse que je sens monter à l'intérieur de moi.

Arkos marche en tête tout en flairant de ci de là mais il doit sentir mon changement d'humeur car il ne cesse de se retourner pour me jeter des regards inquisiteurs.

Après quelques heures de marches entre ces deux parois étouffantes, la gorge s'élargit enfin et je ne suis pas mécontent de me débarrasser de cette oppressante sensation. Petit à petit les cailloux instables laissent place à la végétation luxuriante et après avoir escaladé un petit promontoire qui marque la fin du canyon je suis saisi par la beauté du paysage qui s'offre devant moi.

- La Vallée des Rois -

Je laisse mon regard parcourir les collines verdoyantes aux herbes hautes qui ondulent comme une seule vague sous les rayons d'un doux soleil d'après-midi. Au loin, des arbres centenaires offrent une ombre clémente à un troupeau de chevaux qui paissent paisiblement. Au fond de la vallée, les méandres d'un cours d'eau à la surface irisée nourrissent toute cette nature. Tout ici me paraît être en parfaite harmonie dans un monde totalement préservé et hors du temps. Et même si les raisons qui m'amènent ici me rebutent, j'estime la chance que j'ai de pouvoir admirer ce spectacle.

Mes pensées me ramènent tout naturellement à Rodric qui fût le dernier élenien à fouler ce sol avant moi. La peine qui me submerge alors est immense et je prends le temps de me recueillir un instant pour chérir sa mémoire avant de me reprendre et de réfléchir à ma stratégie.

L'objectif de ce voyage insensé est aussi simple que délirant ; capturer un des Garanas, Chevaux Sacrés du Royaume d'Élenie.

Ces splendides bêtes doivent leur renom au sang qui coulent dans leurs veines. D'après les légendes anciennes ils descendraient d'Elios, le dieu cheval ailé veillant sur Élenie. Il aurait transmis à cette race son incontestable beauté ainsi qu'une longévité bien supérieure à celle de nos montures ordinaires. Et aucun doute n'est possible, ce sont les chevaux que j'aperçois au loin.

Même à cette distance, leur proportions parfaites sont reconnaissables entre toutes. Reste maintenant à établir mon plan pour m'approcher des animaux sauvages et capturer ma cible.

Arkos hume l'air avec envie depuis notre arrivée mais il reste sagement assis à mes pieds, guettant un ordre de ma part.

J'ai passé ces dernières semaines à lui apprendre à réfréner ses ardeurs face à d'autres individus à quatre pattes. Nous avons travaillé en premier lieu à rassembler quelques brebis et des chèvres puis les vaches présentes sur nos terres. Arkos n'est pas un chien de berger mais il s'est montré largement à la hauteur et je suis fier de pouvoir le faire participer à cette tâche aujourd'hui.

Certes, les Garanas ne sont pas de bœufs, mais son aide me sera certainement précieuse pour mener à bien cette folie.

Pour l'heure, j'ai surtout besoin de prendre mes marques et observer. Je décide donc de passer le reste de la journée et établir mon campement à une distance raisonnable pour ne pas effrayer le troupeau.

Et demain, la chasse pourra commencer.

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Where stories live. Discover now