Chapitre 39 - échec

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— Qu'avez-vous dit ?

De surprise, Laslaut a brusquement relevé la tête et me fixe désormais comme si j'étais démente.

—Vous percevez Royale ?

Mon sang ne fait qu'un tour et mes yeux viennent se river au sol tandis que je rêve de pouvoir faire machine arrière. Je me sens beaucoup moins téméraire maintenant que j'ai osé prendre la parole sans y avoir été invitée et aucun mot ne sort de ma bouche.

La panique d'avoir commis l'irréparable ou d'avoir dit la plus grosse bêtise du royaume me tétanise. Et pourtant, tout au fond de moi, je sais que je ne me trompe pas. Jamais ma perception ne m'a fait défaut, et ce, quel que soit la dangerosité de l'espèce rencontrée.

- Auquel cas, je serai déjà morte des centaines de fois ! -

Je prends donc mon courage à deux mains et relève la tête pour affronter le regard inquisiteur de Laslaut.

— Oui Professeur, c'est bien cela. Je perçois tous les animaux présents dans cette salle, y compris Royale.

Je comptais m'arrêter là mais - au point où j'en suis -, je décide de poursuivre.

— Et à l'exception de Flèche qui reste un mystère pour moi, jamais à ce jour aucun animal n'a réussi à me fermer son esprit.

Je ne sais pas laquelle de ces deux déclarations le bouleverse le plus mais il est évident que quelque chose ne va pas. Il se lève brutalement, referme à nouveau le carnet sur lequel il était penché et se dirige vers la sortie à grand pas, sa cape noire claquant à chacun de ses mouvements.

Toutefois, avant de franchir la porte, il doit se souvenir que je suis toujours plantée là à essayer de comprendre ce que j'ai bien pu dire ou faire pour provoquer une telle réaction. Il se tourne alors vers moi un court instant, son inséparable carnet furieusement serré entre ses longues phalanges pâles et me congédie sans autre explication.

— Nous en avons terminé Mademoiselle Tanner. Je vous libère, et ce, pour le reste de la journée.

- Le reste de la journée ? -

Le temps que je réalise que nous sommes à peine à l'heure du déjeuner, il est déjà parti en direction du manoir, me laissant seule parmi mes camarades de classe et anéantie à l'idée d'avoir tout gâché. D'avoir déçu la seule personne capable de m'aider à progresser.

Dans l'impossibilité de me contenir un instant de plus, je laisse jaillir des larmes de dépit, de tristesse et de regrets. J'essaie tant bien que mal de démêler mes émotions mais c'est peine perdue, je n'y comprends rien.

- Aurais-je mal répondu ? Est-ce un crime d'entendre un reptile dans un terrarium ? Et de ne pas percevoir un fichu faucon tellement énorme que son esprit devrait pouvoir atteindre n'importe quel Apprenti débutant ? -

La colère que j'éprouve envers moi-même me fait vraiment dire n'importe quoi ! Je sais parfaitement que le gabarit d'un animal n'a absolument rien à voir avec son ouverture d'esprit mais je suis tellement désemparée que je n'arrive plus à réfléchir convenablement.

Je n'ai pas les réponses à ces questions et le comportement de Laslaut me laisse imaginer le pire.

- Je ne suis définitivement pas à la hauteur -

Je ne vois pas d'autre explication.

À cette pensée mes larmes redoublent et je sens une légère agitation poindre parmi la faune rassemblée autour de moi, visiblement sensible à mon mal-être violent et soudain. Je décide donc, pour eux comme pour moi, que je serai bien mieux au fond de mon lit à noyer mon chagrin sur un édredon tiède et réconfortant en attendant qu'on m'annonce que je n'ai pas ma place ici.

Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant