Le Don d'Ana - Tome I - L'Apprentie Élue (En cours de rédaction)

Chapitre 21 - le Marqueur

Nous sommes toujours dans cet état d'attente mêlé d'appréhension lorsque le Général nous abandonne à notre sort devant la paroi tissée, nos effets personnels à nos pieds.

Pas un mot ne fuse entre mes compagnons et moi depuis que nous patientons devant l'entrée.

Romuald est le premier à briser la glace, permettant à tout le monde de se reconnecter définitivement à l'instant présent.

— Vous pensez qu'ils vont nous laisser là longtemps ? demande-t-il à l'attention de tous.

N'ayant pas plus d'idée que lui sur la question, je me contente d'hausser les épaules en signe d'ignorance. En revanche, Danaé qui a retrouvé son aplomb et sa suffisance gratifie Romuald d'un regard glacial avant de lui répondre sur un ton dédaigneux.

— Ils viendront nous chercher lorsque le moment sera venu. Tu penses sincèrement que le Marqueur se gargarise de nous laisser patienter ainsi ?

Romuald, pourtant si spontané, se referme aussitôt sans oser répondre et je réprime le frisson de colère qui me parcourt.

C'est un fait, cette fille et ses manières me déplaisent ! J'ignore comment va se dérouler l'année à ses côtés mais je suis bien décidée à ne plus la laisser rabaisser mon nouvel ami ainsi.

Ni lui ni qui que ce soit d'autre d'ailleurs !

Léonce, pour sa part, ne semble même pas avoir entendu la question. Maintenant que Danaé a ouvert la bouche, il a repris sa contemplation béate.

- Pauvre petite chose -

J'ose espérer pour lui qu'il finira vite par s'habituer à la vision de sa nouvelle camarade, auquel cas, il risque fort de ne pas pouvoir se concentrer sur sa formation.

D'autant plus qu'en tant que futur Élu, tomber amoureux lui est formellement interdit. Bien que, s'il s'agit d'un attachement unilatéral - ce qui est de toute évidence le cas - il ne risque certainement pas grand-chose...

Je suis tirée de mes réflexions par un rayon de lumière qui vient brusquement éblouir mes yeux déjà accoutumés à la pénombre environnante. Une main gantée vient d'écarter un pan de tenture, laissant désormais place à une silhouette encapuchonnée et massive qui se découpe dans la lumière émanant de l'intérieur de la tente. Une voix semblant provenir du fin fond des abysses nous intime alors de pénétrer sous l'édifice éphémère.

— Entrez.

À mes côtés, Romuald fait mine de se ratatiner tandis que Léonce semble simplement recouvrir ses esprits.

- Mieux vaut tard que jamais -

Danaé, quant à elle, ne paraît absolument pas affectée par cette surprenante apparition. Elle est la première à attraper son sac de voyage et à pénétrer sous la tente d'un pas résolu. Je suis moi-même finalement plus intriguée qu'effrayée. Je m'engage donc à sa suite en tirant Romuald par le bras afin qu'il sorte de sa torpeur et évite de s'attirer à nouveau le courroux de Danaé.

Lorsque nous sommes tous à l'intérieur, la silhouette inconnue laisse alors retomber le morceau de tissu épais faisant office de porte d'entrée et nous pouvons enfin visualiser à qui nous avons affaire.

Jusque-là, rien d'alarmant, il ne s'agit que d'un Élu si l'on se fie à la cape longue et sombre qu'il porte et au tatouage bleu nuit parfaitement reconnaissable qui orne sa tempe droite.

Son visage parcheminé de rides porte le poids des années. Cependant, il serait bien malaisé de lui donner un âge tant le décalage est frappant avec sa stature encore imposante et le corps musclé que l'on devine sans peine sous les plis de la pelisse. Ses traits et son regard sont empreints de sagesse, presque rassurants mais lorsque sa voix profonde et gutturale s'élève à nouveau, elle m'arrache encore un frisson.

— Bienvenue à vous quatre. Vous venez de déclarer officiellement votre choix de rejoindre les Élus qui servent le Royaume d'Élenie et la Couronne. Vous allez à présent recevoir votre Marque, symbole irrévocable de votre appartenance à la communauté de ceux qui ont choisi le Don. Sur la table derrière vous se trouve un élixir destiné à réduire la perception de vos sens et par conséquent, la douleur potentielle que vous pourriez ressentir pendant le rite. Libre à vous d'en faire usage. Une seule gorgée suffit et son effet est immédiat.

À l'évocation du mot douleur, je perçois du coin de l'œil un Romuald au teint blafard frémir comme un jeune animal effrayé. Je prie intérieurement pour qu'il ne perde pas connaissance tandis que l'Élu reprend.

— À présent, j'invite le premier d'entre vous qui se sentira prêt à me retrouver de l'autre côté. Tâchez de ne pas me faire attendre, termine-t-il tout en s'éclipsant derrière un pan de tissu suspendu servant de cloison amovible et permettant de scinder l'espace intérieur de la tente en deux parties bien distinctes.

Si je m'en remets à son discours, il semblerait que le Marqueur et l'Élu que nous venons de rencontrer soit une seule et même personne.

Je m'attendais à un personnage un peu plus haut en couleur !

Dans mes rêves les plus saugrenus, il m'apparaissait comme un chamane mystérieux aux yeux de dément et au corps recouvert de tatouages ou comme une sorte de bourreau vêtu de noir, le visage caché, son instrument de torture à la main.

J'étais visiblement loin du compte !

Mais je suis malgré tout rassurée de savoir que mon visage ne sera finalement pas confié aux mains d'un mage déséquilibré ni à celles d'une brute sans émotions. Et c'est avec nettement moins d'appréhension que j'envisage le rite de la Marque.