Chapitre 29.1

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La fumée s'engouffra dans la minuscule chambre, piquant les yeux et brûlant ma gorge. Toussotant, je couvris le bas de mon visage avec ma veste et m'accroupi à terre, là où le peu d'air encore respirable subsistait. En rampant, je cherchais à tâtons la porte alors que je ne distinguais plus rien devant moi à part les nuages grisâtres épais et toxiques. Le bout de mes doigts sentit les bords de celle-ci et remontant le long de la rainure, j'agrippais enfin la poignée, à moitié étourdie par les vapeurs que je respirais malgré moi. Evidemment elle refusa de s'abaisser. On avait apparemment l'intention de me tuer en m'enfermant à l'intérieur. Heureusement que je ne dormais pas. J'avais gagné de précieuses minutes en adoptant au plus vite les gestes basiques pour ne pas être asphyxier de suite par la fumée. Me concentrant, je me transformais. Heureusement je réussis à opérer le changement et une fois en louve, je mis toute ma force à défoncer la porte. Celle-ci ne résista pas longtemps et dans un craquement retentissant, je traversais le panneau de bois, ne m'occupant pas des échardes s'incrustant dans mes flancs. Echapper à cette fournaise était mon premier souci, il serait temps de panser mes blessures après. Déjà un attroupement s'était formé devant le lieu où je résidais, exclamations étouffées et murmures d'horreur dont je ne voulais pas être spectatrice. Au moins l'un d'entre eux, si ce n'était pas plusieurs, jouait la comédie en ce moment même et devait enrager de me voir m'en sortir saine et sauve. Je n'attendis pas que l'on vienne vers moi et m'écarter de la foule amassée là, reprenant à mon rythme une respiration lente et calme, offrant à mes poumons l'air vivifiant et pur du dehors. Entre deux quintes de toux, je m'assurais que personne ne s'approchait trop de moi. J'empestais la fumée, odeur qui m'emplissait les narines et me donnait l'impression d'être encore à l'intérieur, prise au piège. Me pliant légèrement en deux, je laissais ma tête se vider, s'éclaircir.

Une silhouette entra alors dans mon champ de vision et je me relevais aussitôt. Je n'aurais pas cru qu'elle viendrait me voir d'elle-même. Que voulait-elle ? Discuter ? Se moquer de moi ? Je penchais plutôt pour la dernière option. Avec son port de tête altier, elle donnait toujours l'impression de regarder les gens de hauts, de les juger, quantifiant leur aptitude d'un seul regard froid et dur. Levant le menton dans un geste dérisoire pour montrer qu'elle ne m'impressionnait pas, j'attendis qu'elle s'exprime. C'est elle qui venait vers moi je ne voyais pas pourquoi je me serais donnée la peine de la saluer. J'attendais de voir dans quel état d'esprit elle se trouvait. En fonction, j'aviserai.

— Tu vas bien ?

Le ton de sa voix me surprit. On y entendait presque de l'inquiétude. Elle soupira doucement, regarda du côté du bâtiment en feu avant de me fixer de nouveau.

— Je ne peux pas t'en vouloir d'être méfiante, reprit-elle.

Je déglutis avec peine, la gorge encore irritée par la fumée et l'émotion qui montait alors que pour la première fois elle s'adressait directement à moi avec ce qui ressemblait à de la considération. Elle faisait le premier pas, c'était déjà ça.

— Je suis en vie, n'en déplaise à certains.

Impossible de retenir cette petite pique. Se sentirait visé qui de droit. Je n'étais pas encore prête à baisser ma garde.

— Ne crois pas que nous sommes tous contre toi. Pour ma part, je suis soulagée de constater que tu es entière.

Je haussais les épaules, encore sur la réserve. Elle s'approcha, sa main se leva dans ma direction. Je m'écartais instinctivement d'elle. Ma louve n'avait pas encore digéré la manière dont elle nous avait traitées la dernière fois. Je dus même retenir un grognement comme ses doigts effleuraient la peau nue de mon avant-bras. Fuyant le contact, je me réfugiais dans la contemplation des ruines encore fumantes de ce qui m'avait servi de chambre. La leçon était amère mais je savais désormais à quoi m'en tenir. Ils restaient pour moi des étrangers, mes geôliers, même s'ils prétendaient me laisser aller à ma guise. Je restais sous leur surveillance et pas question de sortir de l'enceinte du Clan. Prisonnière je demeurais et la situation me pesait plus que jamais. Et si au départ l'espoir de revoir ma mère avait adouci mon sort, notre face à face me restait en travers de la gorge.

— En attendant que l'on te retrouve un endroit où loger, je te propose de venir chez moi. Si ça ne te dérange pas bien entendu.

Je ne m'attendais pas à une telle proposition. Je ne savais plus où j'en étais. Passer d'être l'objet d'un profond mépris à celui d'une attention charitable, il y avait de quoi perdre la tête. Mais je n'étais pas vraiment en position de faire ma difficile. Soit j'acceptais, soit je passais la nuit dehors offerte aux possibles tentatives de meurtres. Le choix était vite fait.

— je n'ai pas vraiment d'autres alternatives, acceptais-je de mauvaise grâce.

Un sourire amusé étira ses lèvres délicates. Apparemment mon caractère ne la faisait pas fuir. Elle me fit signe de la suivre. Sur le chemin, ils s'écartèrent tous pour nous laisser passer, restant à distance respectueuse d'Ahlaïs mais ne se gênant pas pour marmonner dans mon sillage. Ils ignoraient sans doute que je pouvais les entendre si je me concentrais.

Protège-moi - T.3: Les liens du sang [ Terminé ]Where stories live. Discover now