Chapitre 39.3

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Il me plaqua brutalement contre le mur. Malheureusement cette fois il n'y avait rien de passionné dans son geste et je me doutais que m'embrasser était très loin de sa véritable intention. Je réprimais le gémissement de douleur dû au choc de ma tête allant heurter les briques. Pas la peine de lui montrer que je souffrais. Je le regardais bien en face, le défiant même. S'il s'attendait à voir de la peur sur mon visage, il en serait pour ses frais. J'étais son égale à présent, plus la jeune fille effarouchée que j'étais à notre rencontre. De même il n'était plus mon sauveur mais un homme que je ne reconnaissais plus. Que lui avaient-ils fait ? Ma louve était aussi perdue que moi, hésitant entre son instinct de survie la poussant à se défaire de cette poigne par les crocs s'il le fallait, et le lien profond qu'elle ressentait entre nous.

Il était là le piège, sous mes yeux depuis le début. Evidemment qu'ils ne m'avaient pas laissé partir par bonté d'âme ou par dieu sait quel sentiment de miséricorde. Je me tapais le front du plat de la main, me traitant d'imbécile. Depuis tout ce temps ils avaient prévu leur plan méticuleusement.

J'avais agi exactement comme ils l'escomptaient, telle une marionnette sous leurs ordres, ignorante de leurs vraies intentions, me laissant manipuler. Je poussais un hurlement de rage.

Alors qu'il m'offrait son visage à la beauté toujours aussi sensuelle, je ne voyais plus que le pli moqueur que sa bouche prenait, le cynisme de son regard et ne sentais plus que la violence contenue dans le moindre de ses gestes. La pression de ses doigts sur ma gorge s'accentua, me coupant le souffle. Allait-il vraiment en arriver là ? Serait-ce ma dernière vision de lui ? Je me refusais à cette fin et d'une brusque torsion du torse, je lui fis relâcher son étreinte autour de mon cou. Ses prunelles étincelèrent mais je fus dans l'incapacité de savoir si c'était de l'admiration ou un autre accès de rage prêt à éclater. Il était visiblement à cran et je devais tenter de lui faire reprendre raison.

Alors j'agis impulsivement, laissant mon corps répondre à la situation. Dégageant l'une de mes mains de sa prise, je saisis sa nuque et projetais ma bouche contre la sienne. Surpris par mon mouvement, il demeura figé quelques secondes, temps que je mis à profit pour approfondir mon baiser. Je forçais le barrage de ses lèvres serrées et me noyais dans la saveur de sa bouche. Je ne pus pourtant pas en profiter longtemps. Le contact avec la réalité fut plutôt rude. S'arrachant à ma prise il m'envoya une gifle retentissante, envoyant ma tête cogner de nouveau contre le mur derrière moi. Sonnée, la joue en feu, j'eus du mal à reprendre mes esprits immédiatement. Apparemment, ce n'était pas le remède miracle. J'espérais que ce geste intime lui rappellerait des choses, lui procurerait un déclic mais je me leurrais. Il n'y avait que dans les films où ce genre de techniques fonctionnait. Je dus retenir ma louve qui s'était automatiquement mise en mode furie lorsque le coup avait jailli. Je pouvais encore m'en sortir sans en passer par la violence, enfin, pour le moment. Avec ironie, je me rappelais une scène quasi identique dans laquelle j'étais l'instigatrice de ce geste. Bien sûr je n'avais pas les mêmes motivations et la suite avait été plus agréable qu'ici.

Alors que je me remettais d'aplomb, appréciant le support que me donnait le mur, je croisais les yeux emplis de fureur de mon homme, ou plutôt de cet inconnu qui venait de me repousser avec une force dénuée d'attention. Il n'en avait rien à faire que je sois une femme. Serrant les poings, je ne savais plus quoi faire pour me sortir de cette situation sans que cela dégénère. Ce qui faisait le plus mal était que je ne pouvais m'empêcher de vouloir me serrer contre lui, d'enfouir mes doigts dans ses cheveux noirs, de sentir son souffle contre moi. Mais apparemment lui ne ressentait plus rien pour moi, plus rien à part de la répulsion. Je frissonnais en faisant cet amer constat. Ils me l'avaient changé, dépossédé de sa personnalité.

Le trajet jusqu'à monappartement fut fait en mode automatique, mon esprit embrumé par la douleur etla colère. Il n'y avait qu'une solution, je devais quitter le Complexe, au moinsle temps de comprendre comment nous en étions arrivés là, le temps de trouvercomment faire revenir les choses à la normale. Car je ne pouvais concevoir unmonde sans lui. Hors de question qu'à cause de leurs manigances je perde leseul être qui m'avait redonné goût à la vie, qui faisait ce que j'étais aujourd'hui.Ils ne gagneraient pas. S'ils espéraient me faire revenir parmi eux par cestratagème ils avaient mal calculé leur coup et me connaissaient très mal. Jamaisje n'accepterais d'être une Ombre, de vivre dans leur clan, plutôt mourir enessayant de récupérer mon homme que de quitter ma vie au sein de ma meute. Jeresterais à jamais fidèle à ma moitié loup. Je comptais informer Declan de madécision dès le lendemain. Me recroquevillant sous ma couette, je sombrais dansun sommeil chaotique, peuplé de cauchemars, bercé par les larmes. 

Protège-moi - T.3: Les liens du sang [ Terminé ]Where stories live. Discover now