Chapitre 6

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Octobre 1941

Trois semaines. Nous sommes restées enfermées trois maudites semaines. Trois interminables semaines à avoir faim et froid. A avoir soif aussi parfois. Nous priver d'eau pour mauvais comportement est devenu le jeu préféré de nos Aufseherin à la fin de la première semaine.

Mauvais comportement voulait dire qu'on n'avait pas été assez rapide pour sortir nous ranger, que nous avions « dansé » comprendre que nous avions sautillé autant que nos forces nous le permettaient pour nous réchauffer, parce que nous sentions mauvais ou parce que il y avait eu trop de morte durant la nuit.

Comment ne pas puer dans ce confinement où il n'y avait qu'une seule et unique toilette derrière un rideau que la plupart ne parvenais pas à atteindre à temps. Certaines dont le nouveau régime alimentaire leur donnait d'affreuse crampe intestinale se soulageaient sur place en faisant parfois profiter une camarade qui s'était agenouillée par terre. Il n'y avait pas d'évier, pas d'eau et la vermine s'est vite installée. Nous avons été infestées de poux à une rapidité extraordinaire. Tous les soirs qu'a duré notre quarantaine Elisheba s'appliquait à vérifier mes cheveux parce que le moindre pou trouvé sur une détenue qui n'avait pas été rasée lui promettait d'être tondue après avoir été battue. La journée je cachais mes cheveux dans un fichu que m'avait donné Hosanna, la mère de Mahalia après que j'eue de nouveau subi la jalousie de mes compagnes durant une nuit mouvementée durant laquelle une bagarre collective avait eu lieu.

- Cache-les, ça attisera moins la méchanceté des envieuses, m'avait-elle dit.

Avec le manque d'hygiène sont arrivé les premières dysenteries et les premières blessures infectées. Josianne n'a pas été épargnées. A mesure que mon genou dégonflait et reprenait une couleur plus ou moins normal, son doigt se mettait à la brûler. La blessure était purulente. J'avais bien réussi à retirer le pus deux ou trois fois mais en vain, c'était toujours pire le lendemain. Nous n'avions rien d'autre que la bande crasseuse que nous avions troqué au début de notre quarantaine et plus de désinfectant.

- Pisse dessus, avait suggéré Elisheba.

Josianne s'en était abstenue, merci bien.

A notre sortie du Block de quarantaine, on a eu de nouveau droit à une douche, brûlante cette fois. Comme je suis petite, j'ai réussi à me coincer entre deux géantes et à être épargnée par de trop grave brûlure, mais toutes n'ont pas eu cette chance.

La quarantaine a aussi été l'occasion pour nos geôliers de faire selon leur propre terme un premier tri. Beaucoup ont succombées au froid, aux coups et à la privation de nourriture. L'après-midi « sportive » de la deuxième semaines a été la plus fatale avec pas moins de douze mortes, neuf dames d'un certain âge même si elle devait avoir moins de soixante ans, deux femmes d'une trentaine d'années à leur arrivée mais qui avait l'air d'avoir pris trente ans de plus en une semaine et une dernière qui avait succombé à une crise cardiaque sous les rires de nos gardiennes qui l'ont regardé agoniser pendant près d'une heure.

Le sport avait consisté à une interminable après-midi de torture sous un soleil particulièrement brulant à nous faire courir, sauter à cloche-pied, faire des roulades et autres inventions de nos tortionnaires qui se prélassaient à l'ombre avec des boissons fraiches tandis que nous transpirions et mourrions littéralement de soif. Nous avons dû nous adonner à ce jeu macabre sans avoir droit à la moindre goutte d'eau ou pause sous peine d'être battue. Les plus braves qui avaient tenté de résister en refusant de se soumettre à ce nouveau sévices se sont vu envoyer au bureau de la direction pour recevoir leur peine. Sur les trois, seulement une est revenue dans le Block de quarantaine. Les punitions en questions étaient des coups de bâtons administrés sur les fesses. En tant que suiveuse, elle en avait reçu cinquante et était revenu dans un sale état, incapable de se tenir debout elle avait été trainée au sol et jetée devant notre porte. Les deux autres, les meneuses, avait été condamnée à septante-cinq coups.

Entre deux océans - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant