03. " Action "

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Arwan

Personne ne sait qui nous sommes.

Les clans, le haut conseil, les humains, tous nous ont classés dans une catégorie qui n'existe pas : les hybrides.
Ça leur plaît d'y croire : des êtres dotés des meilleures facultés de chaque espèce... La puissance qui en découlerait les fait fantasmer.
Aujourd'hui le fantasme à lui seul ne suffit plus.

Bien décidé à régler ce problème une bonne fois pour toute, je franchis la porte du manoir. Le vent m'accueille en plaquant mes cheveux en arrière, sa fraîcheur n'apaise en rien mon irritation. Il n'y a pas pire torture au monde que d'entendre toutes ces femmes gazouiller du matin au soir et du soir au matin. Dans mon malheur, ne pouvaient-elles pas être aussi silencieuses que Neiya?

Des siècles que nous vivons ensemble, elle et moi et c'est, semble-t-il, la seule créature féminine qui ne soit pas venue au monde avec un goût prononcé pour le bavardage inutile.

Je traverse la cour intérieure d'un pas assuré, convaincu que cette fois mon discours nous permettra de retrouver une certaine tranquillité. En marchant, je récite mentalement chaque mot que je vais prononcer. Lorsque j'estime que c'est assez percutant, je fléchis les jambes et d'une simple impulsion je bondis sur le mur d'enceinte qui entoure tout le domaine.

Le silence règne dans l'assemblée, elles se regroupent en une fraction de seconde, de manière à me faire face. Leur regard avide me fait frissonner. Il est plus que temps d'en finir.

- Bonjour à toutes ! commencé-je d'une voix forte et claire, un sourire charmant aux lèvres.

Elles me répondent en retour avec entrain, des petits cris s'y mêlent et je vois certaines s'évanter de leur main dans l'attente de la suite.

- L'intérêt que vous portez à ma personne est admirable mais j'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre à vos attentes.

Des exclamations fusent et malgré la grisaille du petit matin, je peux voir leur visage exprimer tour à tour l'incompréhension, le doute et la colère.

Une femme d'un certain âge se détache des autres, s'avançant d'un pas avant de prendre la parole :

- Que voulez-vous dire ? Nous exigeons des explications.

Des minuscules flammes se mettent à lécher ses pieds, brûlant l'herbe autour d'elle. Une sorcière. Comme c'est intéressant qu'elle puisse penser que je pourrais choisir l'une des leurs.

- Aucune, ici présente ne peut devenir ma femme, declaré-je fermement.

Le silence s'abat, révélant ainsi un bruit qui m'est familier : le ronronnement de Snake. Des exclamations indignées se font entendre pendant que la carrosserie blanche traverse la foule. Le portail sous mes pieds s'ouvrent automatiquement. À peine s'est-elle refermée qu'une odeur immonde se répand jusqu'à moi.

La peur m'arrache les tripes, je me retourne vers ma voiture qui se gare à côté du manoir et me précipite sur elle, mes pieds frôlant à peine le sol.
Lorsque Neiya ouvre la portière, je suis à côté d'elle, cherchant des potientielles blessures.

- Ne t'inquiètes surtout pas pour moi, s'exclame ma sœur, d'un faux air réprobateur face à mes mains qui cajolent la carrosserie souillée mais intact.

Je pourrais en être soulagé si une odeur immonde ne s'échappait pas de l'habitacle. Suspicieux, je la dévisage mais elle ne laisse rien paraître.
La connaissant, elle est capable d'avoir ramené celui qui est à l'origine de toutes ces éclaboussures de sang et de poils. Je le vois bien assis là, agonisant sur le siège passager.

- Tout mais pas ça, marmonné-je avant de m'abaisser vers la vitre ouverte, près à découvrir un corps inerte.
Quelqu'un se tient bien là, si près que nos nez pourraient se toucher. Je sursaute violemment en arrière, m'écrasant sur les fesses.

- Bonjour, tu m'as manqué, dit-elle, son menton à présent posé sur ses avant-bras.

Ahuri, je dévisage plusieurs secondes celle qui se trouve face à moi. Son sourire est franc mais j'ai beau réfléchir, elle ne me dit rien du tout. Des cheveux noirs en bataille, une peau laiteuse, des lunettes de soleil posées sur le nez.

Elle ouvre la portière, contrariée par ma réaction et court rejoindre Neiya. Elle bouge ses bras dans tout les sens, ma sœur lui répond de la même façon.

Nei m'indique le mur d'où je suis venu puis dirige son index vers sa bouche, elle recommence le même numéro plusieurs fois avant que je ne comprenne qu'elle souhaite me parler en privé, sans public.
Ma sœur semble inquiète, ça ne lui ressemble pas et son inquiétude me contamine. Je retourne me poster sur le mur, toussant pour récupérer l'attention de toutes ces harpies.

- Veuillez m'excuser Mesdames, reprenons. J'étais sur le point de vous annoncer quelque chose d'important.

Ma sœur me rejoint, l'étrange fille à ses côtés.

Malgré une grande inspiration, je bute sur chaque mot face à l'énormité de mon mensonge.

- Je. Suis... commencé-je.
- Pris, dit clairement la voix de Neiya. Je vous présente ma nouvelle sœur !

Elles se serrent dans les bras, les joues rougies d'excitation. Je vais défaillir.
Notre public hurle son mécontentement, demande des preuves que nous ne sommes pas en mesure de donner. Je suis presque certain de ne l'avoir jamais rencontrée, encore moins marquée.

Quand elles se relâchent, la fille à lunettes s'avance avec assurance, relevant sa manche qui dévoile ma marque. Le choc me cloue sur place.
Neiya, cette traîtresse !
Je la dévisage alors qu'elle articule en silence : action !

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