19. Torture livresque

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Mayce

Nous continuons de faire la une des journaux, tous les regards sont braqués sur nous constamment et les paparazzis ont envahis la grille du manoir. C'est devenu impossible d'envoyer Arwan se faire foutre, nous devons jouer vingt quatre heures sur vingt-quatre cette grotesque comédie. Quand la tentation est trop forte, je suis obligée d'écrire des insultes à son intention, sur le planificateur du frigidaire.

Je passe des heures sur Internet pour trouver de nouvelles manières de l'offenser, toujours plus élaborée. Aujourd'hui c'était :
" La sagesse te poursuit mais tu as toujours été plus rapide. "

Il y a répondu par deux petits mots, toujours les mêmes : "Yes Love". Des petits coeurs entourent ses lettres, je suspecte Neiya d'être passée après.

Il est temps que nous montrions au monde que tout va pour le mieux, que nous sommes le couple le plus banal et le plus chiant de la Terre entière sinon, on vivra ces prochains mois collés l'un à l'autre sans possibilité d'aider Neiya avec ce Wyatt.

On est d'ailleurs obligée de communiquer par écrit à ce sujet. Son dernier mot c'était : " Impossible de le localiser. Il va falloir que j'aille vérifier moi-même sur le territoire des dents longues. "

J'ai répondu : " Trop risqué ! Attends qu'on se débarrasse des projecteurs braqués sur nous, on montera le plan du siècle ensemble. "

Elle m'a fait un signe de tête en me montrant ses deux mains pour dire demain. Le temps presse, elle ne veut pas attendre plus longtemps, ce que je comprends.

Je franchis la porte du bureau d'Arwan, d'un pas assuré. Il ne peut pas m'envoyer balader alors je continue de marcher comme si je payais le loyer. Je me sens comme une reine dans son royaume.

Je ralentis devant sa bibliothèque impeccablement rangée, dont je frôle chaque livre. Arwan se tend. Je décide de sortir un livre jusqu'à ce qu'il soit au bord de l'étagère, dans un équilibre précaire. Puis, je continue avec le suivant avant de remarquer qu'ils sont rangés par ordre alphabétique. J'en sors certains, faisant semblant de m'y intéresser pour les replacer au hasard après.
Je sens son regard brûlant peser sur moi, c'est que j'entendrais presque ses dents grincer. Que c'est bon d'être vilain.

J'attrape un magnifique livre à la reliure argentée. Il est rempli d'illustrations sur les créatures surnaturelles à travers les âges, je le feuillette avant de le refermer d'un coup sec. La tension d'Arwan imprégne toute la pièce.
Ces livres, il y tient, ils sont pour ainsi dire presque unique, des reliques d'un autre temps.

Je le regarde avec défi avant de reposer le livre à plat, sur le petit rebord de l'étagère. Il ne tiendra jamais, nous le savons tous les deux.
J'enlève d'abord un doigt, avant d'enlever les autres uns à uns. Lorsque le dernier s'enlève, le livre tombe.

Arwan le rattrape dans un bruit sourd, à mes pieds. Il se tient à genoux devant moi, le livre à bout de bras. Le voir dans une telle posture est un cocktail enivrant. La tension monte d'un cran, l'air en est saturé.

- Arwan ? demandé-je, en forçant ma voix à prendre une tonalité adorable.

- Oui, ma sorcière ? dit-il naturellement.

Le choix du surnom me fait ricanner intérieurement. Je continue à toucher ses précieux bouquins, avant de les balancer un par un au sol.
Il les rattrape tous avec une dextérité hors norme.

- Ça te dit, une petite sortie au centre commercial ? J'ai quelques petites courses à faire. dis-je, après avoir vidée une partie de son précieux meuble.

- Bien-sûr, dit-il en se relevant, sa pile de bouquins dans les bras.

Il la pose précipitamment sur le fauteuil de lecture, avant de m'attraper par la main, sûrement pour que je ne touche plus à rien. Je regarde mes prochaines victimes en chuchotant :

- On se reverra.

Arwan m'entraîne vivement vers la sortie de son repaire de bookworm. Bookworm, je viens vraiment de penser ce mot ? Neiya me perverti avec tous ses termes de bookaddict. Oh non ! Ça recommence.

Elle m'influence un peu trop à mon goût. J'imagine sa silhouette penchée sur moi la nuit, me racontant en boucle toutes ces choses qui ne m'intéressent pas, dans le seul but qu'on ait enfin un point commun. Je lui ai pourtant dit que notre lien était suffisant, mais elle n'en démord pas. Elle a toujours rêvé d'avoir une amie lectrice et je suis la parfaite candidate pour ce poste à une chose près : je n'aime pas lire.

On est prêt à partir mais Arwan me dévisage comme si j'avais oublié quelque chose d'essentiel, je ne comprends pas ce qu'il veut me dire en faisant cette tête de merlant frit.
Il perd patience et me dit :

- N'oublie pas ton sac. Une femme moderne et indépendante comme toi, je ne voudrais pas la vexer en payant à sa place.

- Ça te rend si heureux de me payer tous ce que je touche des yeux, que je ferai une exception cette fois, mon ange, appuyé-je ces derniers mots, en souriant de toutes mes dents.

S'il insiste, demain les gros titres souligneront à quel point il est radin et s'il cède, je vais le ruiner, volontairement.

Il admet sa défaite en ouvrant la porte d'entrée et me laissant passer la première. Mayce, tu es une bête ! Je m'auto-congratule en passant le seuil, la tête haute.

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Le 19/12/2023

Hey !
J'aime tellement écrire cette histoire, c'est exactement celle que j'aurais aimer lire :)
J'espère que vous l'aimerez tout autant que moi 💗

Love contrat Where stories live. Discover now