5 - El : Never let a boy get you down

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Deux semaines se sont écoulées depuis que je suis arrivée en Australie. Deux semaines que je fais l'aller-retour entre la cuisine, la terrasse et mon lit. Ma chambre est dans un bazar incroyable, je ne peux presque plus marcher. Ma valise a à peine été déballée. Heureusement qu'Ana pense à m'enlever les assiettes et les tasses vides que je laisse traîner, et à ouvrir les fenêtres pour renouveler l'air de temps en temps.

Elle doit penser que je suis folle, ou dépressive, ou les deux à la fois. Lunatique aussi, possiblement. Je ne suis un jour qu'une simple coquille vide, le regard vitreux, incapable d'éprouver et d'exprimer une quelconque émotion ; puis le lendemain, j'explose, de larmes et de colère, tout à la fois. Les premiers jours, elle est restée à la maison pour me soutenir : elle m'apportait de l'eau et de quoi manger quand j'oubliais de me lever pour aller manger, elle me fournissait en médicaments quand des nausées et des maux de tête me prenaient subitement pour ne plus me lâcher. Elle réajustait le plaid sur mes épaules quand je m'endormais sur le canapé, épuisée par mes nuits d'insomnies à répétition. Elle a supporté mes nombreuses crises de larmes - et de nerfs - en me répétant sans cesse que c'était « normal » de réagir ainsi, que ce que je traverse est « dur et douloureux » parce que « malgré tout, Luka a été mon premier amour », même si nos cinq ans de relations se sont révélés construits sur un mensonge et la plus grosse manipulation du siècle.

Comme je ne supportais plus cette sensation de l'empêcher de vivre sa vie à cause d'une simple peine de coeur, j'ai fait semblant d'aller mieux et je lui ai dit qu'elle pouvait retourner travailler. Ça a duré trois jours, puis hier soir, j'ai fondu en larme devant ma valise : je suis tombée sur le pull que j'emporte durant mes longs voyages d'affaires ; celui qu'a porté Luka le jour de notre première rencontre. Un vieux sweat-shirt gris tout abîmé, et complètement délavé. Qui sent la transpiration et la sauce soja que je n'ai jamais réussi à enlever.

Je n'ai pas eu la force de l'affronter après ça, honteuse. Je suis montée me coucher sans manger, et ô comble de bonheur, je me suis endormie assez vite pour qu'elle ne vienne pas me parler. Mais je sais que je n'y échapperai pas aujourd'hui ; et cela se confirme quand j'entends ma tante monter les marches de l'escalier. Un, deux, trois pas dans le couloir et on toque à la porte. Elle s'ouvre doucement, dans un grincement silencieux.

- Ma puce ?

Je grogne, roulée en boule sous ma couette. Je sais ce qu'elle va me dire : que je dois aller de l'avant. Mais je n'ai pas envie de sortir de mon lit, de voir des gens, de faire comme si la vie pouvait reprendre son cours tranquillement alors que non, c'est impossible.

J'entends ma tante qui s'avance dans ma chambre, évitant les affaires au sol, puis qui s'assoit sur le rebord de mon lit. Le matelas s'affaisse sous son poids, et sa main se pose sur mon épaule. Je ne bouge pas.

- Éléonore, ça suffit.

J'ouvre les yeux.

Ma tante poursuit :

- Ma chérie, tu m'inquiètes, vraiment. Je ne sais plus quoi faire pour t'aider ! Ça fait presque deux semaines que tu es dans cet état , et ça ne peut plus continuer. Tu dois prendre sur toi et surmonter ça.

Je crois avoir cessé de respirer, car je suis bientôt obligée de prendre une grande inspiration. Je me force à me tourner vers Ana pour affronter son regard inquiet.

Soudain, j'ai honte. Très honte. Je suis pathétique et lamentable. Et tu te demandes encore pourquoi il ne t'a jamais aimée ? Pourquoi il t'a trompée avec une autre ?

- Tu es forte, tu es splendide, tu es intelligente. Prouve à cette asperge blonde sans cervelle que tu es plus forte que ce qu'il a voulu t'infliger.

Le surnom me fait sourire ; si je n'avais pas supprimé le numéro de mon ex, je l'aurais sûrement renommé.

Follow your fireWhere stories live. Discover now