19 - Phoebe : I need you

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Nous nous retournons d'un même mouvement. Éléonore se fige, et son visage se vide de toutes ses couleurs. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale, et tout mon corps se tend tandis que je fais face à Tyler, entouré de trois autres garçons que je ne reconnais pas. Des amis de Connor ? Je prends une seconde pour les toiser d'un regard les dissuadant de nous approcher. Le premier, gonflant le torse à droite de Tyler, est un grand blond et baraqué, aux yeux durs et froids, au nez busqué et à la barbe mal rasée. Son nez rouge et son sourire édenté ne me disent rien qui vaille. Derrière lui, deux jeunes hommes, plus chétifs ; l'un aux cheveux noirs et à la peau blanche comme la neige, presque maladive, et l'autre à la peau noire comme l'ébène, mais aux cheveux teints en rouge. Leur tenue sombre, composée essentiellement de vestes en cuir cloutées, m'arracherait presque un rire tant la situation est caricaturale. Mais je n'en fais rien, car je ne suis pas téméraire au point de ne pas remarquer que nous sommes en infériorité numérique — et même si nous étions assez nombreuses, nous ne sommes pas assez musclées, pas assez rapides, encore moins en talons aiguilles.

— Tu as du cran de te pointer ici, craché-je.

Tyler ricane. Éléonore saisit mon bras, et je ne suis pas sûre si c'est pour me faire taire ou pour l'aider à garder l'équilibre. Vu comme ses doigts tremblent, je penche pour les deux options à la fois.

— Qui est-ce, Ty ? grogne le petit, aux cheveux noirs.

Son regard fou, alcoolisé, fait sonner une alarme dans ma tête. Sa langue passe rapidement sur ses lèvres. Mes poils se dressent sur ma nuque. Cora, à côté de moi, recule d'un pas ; même elle, malgré son fort caractère, sait reconnaître une situation merdique quand elle en voit une. Nous devons partir d'ici. Mes yeux inspectent le bar à la recherche d'une sortie.

— Ce sont des amies à moi. Quoique, le groupe n'est pas au complet. C'est dommage...

Cette façon qu'il a de laisser traîner ses mots, en les appuyant d'un regard insistant, m'a toujours évoqué l'image d'un prédateur qui se délecte de trouver sa proie entre ses griffes. Sauf que quand cela arrivait, Connor, Aspen ou Noah étaient toujours à côté. Je n'ai jamais eu aucune raison de le craindre, pas vraiment. Alors que ce soir, nous ne sommes « que » entre filles. J'emmerde ce patriarcat de merde.

À croire que Tyler sait exactement ce que je pense, car il ajoute, d'une voix mielleuse :

— Les garçons ne sont pas là ?

— Pourquoi aurions-nous besoin d'eux ? riposté-je, arborant mon air le plus fier.

Un instinct primaire, celui de lui faire face, de me préparer à me battre, s'est logé dans mon ventre. L'adrénaline coule dans mes veines. Je sens la main de Cora agripper mon poignet avec force — pour me retenir, peut-être. Je mesure alors que je me suis rapprochée ; moins d'un mètre me sépare de Tyler, désormais.

— Ils nous attendent sur la plage, ment Cora.

— Vraiment ?

Tyler fait un pas, et je suis obligée de reculer, malgré la fureur qui me brûle les joues. Ses acolytes l'imitent. Le souffle d'Éléonore se fait plus lourd. Sa main est toujours agrippée à mon bras, et j'en ai mal. Je n'ose imaginer ce que ça doit être de se trouver face à celui qui, pas même une semaine plus tôt, la touchait sans son consentement.

— Oui, et d'ailleurs, nous allions partir pour les rejoindre, poursuivis-je.

Nous pivotons pour trouver la sortie, mais les complices de Tyler se sont déjà déplacés, et nous barrent la route. Leur regard est mauvais. L'un d'eux me regarde avec convoitise, et un mélange de rage et de peur me comprime la poitrine. Mes muscles se tendent.

Follow your fireWhere stories live. Discover now