7 - El : Stand up

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En sortant de la salle de sport de Whitepearl, fraîchement douchée, mais encore essoufflée, je décide de rejoindre Ana au bar pour me désaltérer et donner un coup de main. Je l'ai retenue à la maison pendant deux semaines, c'est la moindre des choses.

Quand je pénètre dans le bar, je m'adosse au comptoir. Il n'y a personne, elle doit sûrement être en train de servir un client. Je m'assois pour l'attendre, quand une jeune fille sort de la cuisine. Quand elle m'aperçoit, elle me lance, sans un sourire :

— Je te sers quelque chose ?

Je suis un instant décontenancée par son ton froid et hargneux. Qu'est-ce que... ? Et elle travaille en tant que serveuse ? Je lis sur son badge : Cora. C'est la jeune fille qui aide Ana. Pour une « très gentille fille », elle n'en a pas l'air.

— Je...

— Chérie ! Je vois que tu as fait la connaissance de Cora !

Ma tante surgit de derrière mon dos, toute essoufflée. Elle porte un plateau rempli à ras bord dans ses mains, et je me demande comment elle fait pour bouger aussi vite sans tout faire tomber. Je ne pensais pas que ma tante était aussi expérimentée... et aussi adroite. Je me souviens d'une Ana qui ne cessait de faire tomber les verres, quand j'étais petite.

Elle nous dévisage, son regard alternant entre moi et la serveuse. Elle s'attend à ce que je lui saute dans les bras ou.. ? Parce que ça ne va pas arriver. Cora a l'air d'accord avec moi, et un silence embarrassant s'installe. Nous sommes sauvées par l'arrivée d'un client : la jeune fille s'empresse de décamper, non sans me lancer un regard méprisant. Ça, une gentille fille ? Une vraie garce, oui ! Même moi je n'ai... ouais, nan, j'ai peut-être déjà agi de la sorte.

Je me tourne vers ma tante, et lui adresse un sourire faussement désolé.

— Elle est... de mauvaise humeur, aujourd'hui.

— Mmh.

— Alors cette salle de sport ?

— Super sympa. J'ai pris un abonnement pour pouvoir y retourner les deux prochaines semaines.

Elle hoche la tête, et me demande si je veux boire quelque chose. J'opte pour un jus d'ananas, mon fruit préféré. Elle acquiesce, et fouille dans les étagères pour me sortir un verre. Soudain, mon téléphone sonne : François. Autrement dit, Papa. Une vague de froid me traverse, et mon visage a dû changer de couleur, car les yeux d'Ana se couvrent d'un voile inquiet.

Cela fait deux semaines que je laisse mon téléphone sonner, je n'avais pas la force de faire face aux remarques désobligeantes de mon paternel. Mais aujourd'hui je me sens mieux, et même s'il n'a plus à me dicter ma conduite, je sais que si je ne réponds pas cette fois, il m'enverra un garde du corps pour me ramener à Paris par la peau des fesses. Ma gorge se serre, mais je me forge un masque de béton, et prends l'appel.

— Bonjour, Papa. Je te manque ? C'est pour ça que tu m'as plus appelée en deux semaines qu'en six ans ?

Ana, en apprenant l'identité de mon interlocuteur, fronce les sourcils. Sa mâchoire se contracte, et elle lève les yeux au ciel. Elle continue de travailler tout en continuant de tendre l'oreille pour suivre la conversation.

La voix de mon père résonne dans l'appareil :

— Éléonore. Ton petit jeu d'adolescente a assez duré. Tu rentres, maintenant, c'est un ordre et la dernière fois que je me répète.

Je rêve. Le garçon que j'ai profondément aimé pendant cinq ans m'a arraché le cœur de la poitrine, et il appelle ça « un petit jeu d'adolescente pathétique » ? D'autant plus que je n'ai pas pris de vraies vacances depuis au moins deux ans, et que j'en ai profondément besoin. Je n'en avais pas conscience avant, mais ces deux semaines de repos et de... relâchement émotionnel ont été plus que nécessaires.

Follow your fireWhere stories live. Discover now