26 - El : Where I belong

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Je suis encore blottie dans les bras d'Ana quand on toque doucement à la porte. Je m'extrais de la chevelure bouclée de ma tante, et fixe mon regard sur l'entrée de ma chambre.

    Phœbe y patiente, la main encore en suspend au-dessus de la surface grise de la porte. Ses yeux sont rouges, ses lèvres tremblantes, et elle est blanche comme un linge. Ses prunelles brunes me détaillent avec soulagement, et elle bat des paupières, comme si elle peinait à croire ce qu'elle voyait devant elle.

    Je lui souris timidement, et elle secoue la tête, retenant un sanglot. D'un pas pressé, elle franchit la distance entre nous et s'assoit sur le lit à côté de moi. Silencieusement, Ana se retire, non sans planter un baiser sur mon front.

— El... murmure Phœbe, et les tremblements dans sa voix me serrent le cœur.

Elle me prend dans ses bras, et je réponds à son étreinte avec autant de force que je le peux, plongeant mon nez dans ses cheveux bruns en pagaille.

— Les autres m'ont dit que tu t'étais réveillée, chuchote-t-elle, et son souffle me chatouille l'oreille.

J'opine, et réponds, tout contre son cou :

— Connor ?

Sa respiration se coupe, et je sens son corps se figer entre mes bras. Une longue seconde s'écoule, durant laquelle elle reste muette. Puis, un sanglot s'échappe de ses lèvres, et un autre, et ils la secouent si fort que je crains qu'elle ne se brise entre mes bras.

— Oh, Phoeb... murmuré-je, et elle se détache.

Ses paumes recouvrent déjà son visage, cachant ses larmes. Quand elle les en retire quelques secondes plus tard, plus une larme ne coule, mais elle a les yeux plus rouges que jamais, et de profonds cernes soulignent ses yeux si délicats.

— Il va bien, finit-elle par susurrer, en fuyant mon regard, ses yeux concentrés sur la couverture qu'elle tient entre ses mains, sur ses genoux.

— Et toi ? Tu vas bien ?

Ma question semble la prendre au dépourvu. Elle se mord la lèvre, si fort qu'elles en deviennent blanches, et d'un mouvement imperceptible, si discret que je crois une seconde l'avoir rêvé, elle nie de la tête. Ses yeux restent secs, mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir la bataille qu'elle livre avec elle-même. Sur ses traits, je lis la peur, l'épuisement, l'inquiétude, le doute — tant d'émotions que j'ai moi-même si intensément ressenties ces dernières semaines.

— C'est OK, tout va bien, la rassuré-je. Tu as le droit de pleurer.

Je crois presque entendre Aspen parler à ma place, et l'espace d'une seconde, cette réflexion me laisse toute drôle. Je la reprends dans mes bras, et elle s'accroche à mon buste comme si j'étais sa bouée de sauvetage.

— Est-ce que tu veux en parler, ou tu as juste besoin que je te serre contre moi ?

Ses bras qui se pressent davantage autour de ma taille sont ma seule réponse, et j'enfouis mon propre visage dans ses cheveux bruns. Elle parlera quand elle sera prête.

Nous restons ainsi, blotties l'une contre l'autre, pendant cinq longues minutes — puis on toque à la porte. Je relève la tête, et Phœbe met une longue seconde à se détacher ; son corps s'est affaissé contre le mien, et je le reconnais les premiers signes du sommeil.

Connor se tient sur le seuil, l'épaule nonchalamment accolée au cadre de la porte. Un léger sourire relève le coin de sa lèvre, et son regard est doux tandis qu'il nous observe sans bruit. Mais, alors que Phœbe se retourne et que leurs regards se trouvent, une flamme naît dans ses yeux — et son intensité me coupe le souffle. Pour la première fois, j'en suis sûre : Il est amoureux, pensé-je. Et, d'un coup, je comprends ce qui peut effrayer Phœbe chez Connor. Car, son amour n'a rien de doux, de réparateur, de rassurant — au contraire, il bouscule, bouleverse, surprend. Il trouve en lui la force de partir en guerre. C'est un amour qui fait s'écrouler les défenses, qui enfonce des portes et déplace des montagnes.

Follow your fireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant