🐺 3. Interrogatoire 🐺

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Je place dans un sachet en papier kraft des gâteaux et des sandwichs. J'attrape un thermos et je le remplis de café. Toutes ces choses ne serviront plus aujourd'hui, autant en faire profiter quelqu'un. Le capitaine hausse un sourcil. Apparemment je l'énerve. J'ai négocié avec lui de pouvoir avoir encore 5 minutes. Cinq minutes, ce n'est pas grand-chose. Néanmoins, devant le visage impassible de la garde du corps et du capitaine, je comprends que ces quelques minutes sont vraiment la dernière faveur qu'il me font. Je prends la petite porte à l'arrière du café. La neige tombe de plus en plus dans la petite ruelle sombre. Je scrute les poubelles, puis dépose sous la fenêtre le petit sac et la thermos. Jon n'est pas là, il viendra peut-être plus tard. Ou alors il est dans un centre avec d'autres sans-domicile fixes, à l'abri de la neige. Du moins j'espère.

Hier, il a été agressé et si je n'étais pas intervenue, ça se serait sûrement mal passé. Cela fait quelques semaines que le jeune homme erre dans la ville. Je l'ai déjà croisé près de la supérette et aussi de la fac. C'est moi qui lui ai proposé de venir se reposer ici : il y a un auvent à l'arrière du café et j'ai toujours des restes de la journée. Comme je fais la fermeture personne ne saura jamais qu'au lieu de tout jeter, je les donne à quelqu'un. Mais Jon n'est pas là et je m'inquiète. À moins qu'il ait vu l'énorme voiture se garer devant le café et qu'il ait pris peur. Ça ne serait pas la première fois qu'il décampe en voyant un véhicule de police ou quelque chose qui l'étonne. Je n'ai pas eu le temps de beaucoup parler avec lui, mais je sais qu'il est anxieux et qu'il regarde sans cesse s'il est suivi. Tout peut être un danger quand on est isolé. Et puis, il y a les bandes organisées, qui s'attaquent aux plus faibles. Le quartier n'est pas rassurant, ce n'est pas un des plus sûrs de la capitale.

Si Jon passe plus tard, il verra la nourriture que je lui ai laissée.

J'espère qu'il est au chaud et en sécurité.

* * *

La voiture roule rapidement. Nous traversons la ville, la neige s'accumule sur le pare-brise. Le capitaine m'observe en silence, les bras croisés sur son torse puissant. La garde du corps est montée à l'avant, à côté du chauffeur. Personne ne dit rien et cela ne me rassure pas.

Lorsque la voiture freine, mon cœur fait un bond. Ce sont les grilles du parc du palais ! Noires, en fer forgé, avec des arabesques et des pics défensifs empêchant toute personne de pouvoir les escalader. Des gardes armés jusqu'aux dents vérifient le véhicule avant de nous laisser passer.

C'est la première fois que je franchis les grilles. Le parc à la française laisse soudain place à une forêt dense avec des arbres centenaires. Nous débouchons enfin sur le palais. Un bâtiment gothique et sombre connu de tout le pays. Seule la noblesse peut pénétrer ces lieux. Je me demande vraiment ce que je fais ici. Le véhicule longe la façade illuminée, pour aller se garer dans une propriété, près des écuries, comme un relais de chasse. La garde du corps m'ouvre la portière, le capitaine est sur mes talons. Nous pénétrons dans la maison, traversons un couloir blanc et moderne et arrivons dans une pièce sans fenêtre. Une table et deux chaises. C'est tout ce qu'il y a. Je regarde aux quatre coins de la pièce. Il n'y a strictement aucun décor : pas un tableau, pas une fenêtre. Rien du tout, sauf les néons au plafond. La porte se referme brusquement derrière moi.

Le capitaine s'assoit sur une chaise et me regarde en croisant les bras. D'un geste du menton, il m'indique la chaise en face de lui. Je serre le poing et ravale ma salive : tout ceci a l'air plus d'une salle d'interrogatoire qu'une salle de bal.

- Qu'est-ce que je fais ici ? je demande

- Ici, c'est moi qui pose les questions, répond le capitaine.

Je m'assieds en face de lui. Je n'ai rien à me reprocher. Je ne fais pas partie des rebelles, je ne fais pas partie d'un gang, je ne fais pas partie d'un quelconque problème diplomatique. Je suis une étudiante boursière et je travaille comme serveuse pour finir mes fins de mois.

The Wolves CourtWhere stories live. Discover now