Chapitre 4

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Ce n'est que lorsqu'Isabella éteint la télévision que je me rends compte que j'ai arrêté de respirer.

Notre frère n'a pas tellement changé. Je suis heureuse de savoir qu'il va bien, et qu'il a réalisé son rêve.

En fait, c'était notre rêve à tous les deux, d'aider les associations. Quand nous avions quinze ans, tout était prêt pour nous enfuir tous les deux. A la dernière minute, je m'étais défilée, car j'avais peur de l'inconnu. Alors il était parti seul, en me promettant qu'il reviendrait. Je revois encore ses cheveux malmenés par le vent et ses yeux brillants de larmes avant qu'il ne parte pour toujours.

Isabella ne l'a jamais su. Elle a toujours été jalouse de la relation que nous entretenions. Nos liens étaient plus puissants que ceux de tous les frères et sœurs réunis !

Mes yeux me piquent lorsque des souvenirs m'assaillent. Émilien qui m'apporte un morceau de pain volé quand notre mère m'avait interdit de manger. Émilien qui me serrait dans ses bras en me disant que tout irait bien. Émilien qui me déclarait m'aimer plus que tout...

Des larmes glissent le long de mes joues. Voilà un moment que je n'ai pas pleuré.

Oh, Émilien ! Si tu savais comme j'ai souffert après ton départ !

C'est lui qui m'a protégée. En tout cas, le plus possible. Il avait même parfois été insolent avec nos parents pour avoir la même punition que moi et qu'on reste ainsi ensemble dans la douleur. Je l'avais forcé à partir. Sinon, il était prêt à rester pour moi. Il avait réussi à fuir et à réaliser son plus grand rêve, alors que j'avais été trop lâche pour le faire.

- Ainsi donc, il est toujours en vie, souffle Isabella.

Un silence s'installe entre nous. Chacune, nous revivons nos souvenirs. Elle doit en avoir peu, car elle était plus jeune lorsqu'il est parti, et ça remonte à loin ! Et Isabella et Émilien n'étaient pas proches, contrairement à moi avec lui. Il trouvait Isabella trop égoïste, trop égocentrique, trop méchante... J'ai tenté de la comprendre. Mais je n'ai jamais réussi.

Ma sœur se tourne brusquement vers moi et me scrute de ses yeux bruns.

- Tu le savais ! m'accuse-t-elle.

- Non.

Ma réponse est franche. Si j'avais su où il était depuis toutes ces années, je l'aurais contacté, d'une manière ou d'une autre, pour que nous soyons à nouveau réunis. Mais je n'ai jamais su.

Pendant que je vivais dans la rue avec Julia bébé et que je me battais contre le froid et la faim, Émilien se battait pour les associations.

Nous nous sommes perdus de vue. Il est devenu riche et célèbre. Comment pourrait-il vouloir me revoir ?

J'ai envie de le revoir, pour lui parler. Nous étions si proches... Il faut que je trouve un moyen de le recontacter. Au pire, il ne voudra pas me parler, et j'aurais le cœur encore plus brisé qu'il ne l'est déjà. Au mieux... Je préfère ne pas y songer. Mais peut-être, oui peut-être...que je retrouverai enfin mon frère.

Les larmes aux yeux, je vais trouver refuge dans la cuisine. Je m'assois sur une chaise et tente de reprendre mon souffle. Puis la petite tête de ma fille se pose sur mes genoux.

- Maman, c'était qui le monsieur à la télé ? Pourquoi tu pleures ?

Le visage de Julia est crispé par l'inquiétude. Mais je ne veux pas qu'elle se fasse du souci pour moi. Elle n'est qu'une petite fille ! Je suis la maman, et elle est l'enfant. C'est à moi de me préoccuper d'elle, pas l'inverse.

J'ai entendu dire que les enfants absorbaient toutes les émotions de leurs parents. Alors je lui caresse doucement les cheveux afin de la rassurer.

- C'était mon papa ?

Only One LifeWhere stories live. Discover now