Chapitre 8

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Des gens se dirigent vers Émilien. Pour le féliciter, je présume. Mais, alors que ces personnes lui parlent, il me regarde toujours, son regard ne lâchant pas le mien, comme s'il avait peur que je m'évanouisse dans les airs. D'un signe de tête, je le rassure et vais me réfugier dans l'un des coins les plus sombres de la salle, afin d'éviter la foule.

En attendant qu'il vienne me parler, je l'observe discuter avec les gens. Il sourit. Il est chaleureux. Il est tout mon contraire, alors que nous sommes jumeaux.

Plongée dans mes pensées, je réalise trop tard qu'il s'arrache à la foule pour remonter sur l'estrade. Son regard balaie la salle jusqu'à me trouver, adossée contre un pilier de marbre, du côté où je suis à demi dans l'ombre. Émilien reprend la parole dans le micro.

- Merci, merci.

La foule se tait, les applaudissements se tarissent.

- Je vous ai déjà tous remerciés d'être là ce soir. Malheureusement, une jeune femme est arrivée légèrement en retard. Cette femme compte beaucoup pour moi.

Les gens chuchotent et se tordent le cou pour tenter d'apercevoir cette mystérieuse femme.

- C'est elle que je remercie. Merci d'être là ce soir, petite sœur. Car je sais ce que ça t'as coûté.

Une larme sur sa joue scintille à la lumière.

- Ne l'ayant pas revue depuis quatorze ans, je pense que vous comprendrez si je vous dis que je dois lui parler en priorité.

Émilien coupe le son de son micro. Ses yeux brillent de larmes.

Lentement, il descend de l'estrade et se dirige vers le pilier où je suis adossée. Les gens se sont tus.

Lorsque mon frère arrive à mi-parcours, son visage devient plus net. Mais il ne le reste pas longtemps, car mes larmes me brouillent la vue et le rendent flou.

Je cours vers lui sans hésiter une seule seconde lorsqu'il tend les bras vers moi. Dans cette salle immense, il n'y a plus que lui et moi.

Je me jette dans ses bras en sanglotant comme une petite fille. Il me soulève pour me faire tournoyer dans les airs. Comme le soir de son départ, il y a quatorze ans. Sauf que ce soir, il s'agit de retrouvailles.

Émilien me serre contre lui et je m'accroche à sa veste. Il est tout de suite plus réel à mes yeux. En humant son odeur si familière, je fonds en larmes. Je m'effondre contre mon frère, comme si le monde entier s'écroulait autour de moi.

A travers mes pleurs, je vois Émilien m'entraîner doucement hors de la salle. Nous gravissons côte à côte les marches pour nous rendre au deuxième étage. Ensemble.

Émilien me conduit jusqu'à son bureau. Il me fait assoir sur un canapé moelleux, enlève sa veste et ferme la porte à clé avant de se poser près de moi. En me serrant contre lui, il me caresse doucement les cheveux. Comme ce geste m'a manqué !

- Je suis heureux que tu sois venue, Lia.

Je souris et mes pleurs se tarissent.

- Je n'allais pas manquer une occasion de te revoir.

- Je sais que la foule, ce n'est pas trop ton truc.

- Pour te revoir en chair et en os, Émilien, j'aurais fait n'importe quoi.

- Braver tes peurs ?

- Tu connais déjà la réponse.

Il rit et ses épaules tressautent contre les miennes. Je me blottis contre lui.

- Tu m'as manqué, Émilien.

- Toi aussi, petite flamme.

Mon cœur se serre à ce surnom. Il a toujours été le seul de la famille à apprécier mes cheveux.

Only One LifeWhere stories live. Discover now